Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/328

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si vivement offensée de l’indigne conduite de son mari, eût consenti, même dans son propre intérêt, à se joindre à cet époux infidèle pour perdre un homme qui généralement s’était montré envers elle un père tendre et indulgent. Quand il eut adopté cette opinion plus raisonnable, un bruit de pas se fit entendre dans l’escalier ; et, après en avoir descendu, non sans peine, les degrés nombreux, Hereward, portant sa lourde armure, arriva enfin au bas des marches, d’un air impassible. Derrière lui, haletant et tremblant, moitié de froid, moitié de crainte, venait Douban, l’esclave savant en médecine.

« Tu es le bienvenu, brave Édouard ! tu es le bienvenu, Douban, dit l’empereur, toi dont l’habileté en médecine est bien capable de contrebalancer le poids des ans qui pèsent sur ta tête. — Votre Altesse a bien de l’indulgence, dit Douban ; » mais ce qu’il aurait voulu ajouter fut interrompu par un violent accès de toux, suite de son âge, de sa faible constitution, de l’humidité des cachots, et de la lassitude d’avoir descendu un escalier long et difficile.

« Tu n’es pas habitué à visiter tes malades dans un si triste séjour, dit Alexis ; et cependant la nécessité d’État nous oblige à renfermer dans ces sombres et humides régions des gens qui n’en sont pas moins nos bien-aimés sujets, tant en réalité que de nom. »

Le médecin continua à tousser, peut-être pour se dispenser de faire une réponse d’assentiment, que sa conscience ne lui permettait guère, à une observation qui, quoique faite d’un individu qui pouvait parler sciemment, ne paraissait pas être fort véridique.

« Oui, moucher Douban, reprit l’empereur, voilà le cachot, cachot aussi solide que s’il était d’acier et de diamant, où nous avons trouvé nécessaire d’enfermer le redoutable Ursel, dont la renommée s’est répandue dans tout l’univers, renommée acquise par sa science militaire, sa sagesse politique, sa bravoure personnelle, et d’autres nobles qualités, que nous avons été forcé de soustraire quelque temps au grand jour, afin de pouvoir, en temps convenable, les rendre au monde dans tout leur lustre. Ce temps est arrivé. Tâte-lui donc le pouls, Douban, et traite-le comme un homme qui a subi toutes les privations d’une détention sévère, et qui va être tout-à-coup rendu à toutes les jouissances de la vie, à tout ce qui peut rendre la vie précieuse. — Je ferai de mon mieux, répliqua Douban ; mais Votre Majesté considérera que nous avons à opérer sur un sujet faible et épuisé, dont la santé parait déjà presque détruite, et pourrait s’é-