Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

père que plusieurs années de bonheur et de puissance, ainsi que le commandement d’une vaste partie de cet empire, effaceront bientôt de votre mémoire le souvenir des cachots de Blaquernal. — Impossible ! » répondit Ursel avec un soupir « celui aux yeux duquel le soleil est caché même au milieu du jour, ne peut rien espérer même du changement de fortune le plus heureux. — Vous n’en êtes pas tout-à-fait sûr, reprit l’empereur. Permettez-nous de vous convaincre qu’on a envers vous des intentions vraiment favorables et généreuses, et j’espère que vous serez récompensé de vos malheurs en reconnaissant qu’il sera plus facile d’y remédier que vous ne semblez le croire. Faites un effort, et voyez si vos yeux n’aperçoivent pas la clarté d’une lampe. — Faites de moi ce que bon vous semblera, dit Ursel ; je n’ai ni assez de vigueur pour m’y opposer, ni une force d’esprit suffisante pour braver votre cruauté. Il me semble que je vois comme de la lumière ; mais est-ce illusion ou réalité, je ne saurais le dire. Si vous venez me délivrer de ce sépulcre vivant, je prie Dieu qu’il vous en récompense ; et si, sous ce prétexte trompeur, votre dessein est de m’arracher la vie, je ne puis que recommander mon âme au ciel, et léguer le soin de venger ma mort à celui qui pénètre les plus épaisses ténèbres dont l’injustice s’entoure pour commettre ses crimes. »

À ces mots, et l’émotion le rendant incapable de donner aucun autre signe de vie, Ursel retomba sur son lit de misère, et ne prononça plus un seul mot, tandis qu’Alexis le débarrassait des chaînes que l’infortuné avait portées si long-temps qu’elles semblaient presque faire partie de son corps.

« C’est une opération dans laquelle votre aide peut à peine me suffire, Anne, dit l’empereur ; il aurait mieux valu que vous et moi, réunissant nos forces, nous l’eussions porté en plein air, car il est peu sage de montrer les secrets de cette prison à ceux qui ne les connaissent pas encore : cependant allez, mon enfant, à peu de distance du haut de l’escalier, vous trouverez Édouard, le brave et fidèle Varangien, qui, dès que vous lui communiquerez mes ordres, viendra ici me prêter secours ; voyez aussi à m’envoyer le savant médecin Douban. »

Épouvantée, à demi morte d’horreur, la princesse se sentit du moins soulagée par le ton un peu plus doux dont son père lui avait parlé. D’un pas chancelant, mais puisant un peu de courage dans la teneur de ses instructions, elle remonta l’escalier qui conduisait dans ces infernales prisons. Comme elle approchait du faîte, une