Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/305

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phe, mourant de faim dans un grenier, ose écrire la vie d’un empereur dont il n’ose approcher ; et quoique le principal mérite de cet ouvrage soit de contenir des détails que personne n’aurait eu l’audace de publier du vivant du prince, cependant personne n’hésite à les admettre comme vrais dès qu’il a quitté la scène de ce monde. — Sur ce sujet, je ne puis offrir à Votre Majesté impériale ni consolation ni secours. Si pourtant votre mémoire est injustement calomniée sur la terre, peu importera à Votre Majesté, qui alors, je l’espère, jouira d’un état de béatitude que de vaines calomnies ne sauraient troubler. La seule manière d’éviter ce malheur serait que Votre Majesté écrivît elle-même ses mémoires pendant qu’elle est encore sur cette terre, tant je suis convaincu qu’il est en votre pouvoir d’assigner de légitimes excuses à certaines actions qui, si vous ne le faisiez pas, sembleraient dignes de censure. — Changeons de sujet, dit l’empereur, et puisque le danger est imminent, occupons-nous du présent, et laissons les âges futurs décider eux-mêmes… Quelle est, dans votre opinion, révérend père, la circonstance qui porte ces conspirateurs à faire un appel si audacieux à la populace et aux soldats grecs ? — Assurément l’incident qui a le plus irrité les esprits du règne de Votre Majesté, c’est la mort d’Ursel, qui, se soumettant, dit-on, par capitulation, sous promesse de vie, d’indépendance et de liberté, a péri de faim par vos ordres dans les cachots de Blaquernal ; son courage, sa libéralité et ses autres vertus populaires sont encore vantées avec reconnaissance par les habitants de cette capitale et par les soldats de la garde appelée immortelle. — Et c’est là, selon vous, » dit l’empereur en fixant ses regards sur son confesseur, « c’est là, au jugement de Votre Révérence, le motif le plus dangereux de l’effervescence populaire ? — Je ne puis douter, répliqua le patriarche, que ce nom prononcé hardiment et habilement ne soit le signal d’un horrible tumulte. — J’en remercie le ciel, dit l’empereur : à cet égard je serai sur mes gardes. Bonsoir à Votre Révérence ! et croyez-moi, tout ce que contient cet écrit signé de ma main s’accomplira avec la plus rigoureuse fidélité, mais ne montrez pas trop d’impatience dans cette affaire… Une telle pluie de bienfaits, tombant à la fois sur l’Église, ferait soupçonner que les ministres et les prélats agissent plutôt pour exécuter un marché conclu entre l’empereur et le patriarche, que pour donner ou recevoir une offrande faite par un pécheur pour l’expiation de ses crimes. Ce soupçon serait injurieux, mon père, et pour vous et pour moi. — Tous les délais