Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/291

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doit être soumise à la décision de cet honorable conseil. — Je crois deviner maintenant ce dont il s’agit, reprit Bohémond. Le comte de Paris me garde rancune, parce que, le dernier soir que nous avons passé à Constantinople, je lui ai donné un bon conseil qu’il n’a point trouvé convenable de suivre… — C’est une chose qui s’expliquera plus aisément lorsque nous aurons entendu son message, interrompit Godefroy… Remplissez la commission du comte Robert de Paris, Jeune fille, afin que nous mettions un peu d’ordre dans une affaire qui nous semble assez compliquée. »

Bertha, reprenant la parole, termina ainsi, après avoir brièvement raconté les événements qui venaient de se passer : « Le combat doit avoir lieu demain, deux heures environ après le lever du soleil, et le comte supplie le noble duc de Bouillon de permettre à cinquante lances françaises d’assister à ce fait d’armes, et d’assurer par leur présence la justice et l’impartialité du combat. Si de vaillants chevaliers désirent, de leur plein gré, voir ledit combat, le comte regardera leur présence comme un honneur ; pourvu que les noms de ces chevaliers soient comptés soigneusement avec ceux des croisés qui se rendront en armes dans la lice, et que leur nombre soit limité, par l’inspection du duc Godefroy lui-même, à cinquante seulement, nombre suffisant pour obtenir la protection demandée, tandis que, plus considérable, il serait regardé comme une agression contre les Grecs et amènerait le renouvellement des disputes qui sont heureusement terminées à l’heure qu’il est. »

Bertha n’eut pas plus tôt fini de prononcer son manifeste, et gracieusement salué le conseil, qu’il s’établit dans l’assemblée une conversation à voix basse, qui prit bientôt un caractère plus animé.

Quelques uns des plus vieux chevaliers du conseil et deux ou trois prélats qui étaient venus prendre part aux délibérations, firent valoir fortement leur vœu solennel de ne pas tourner le dos à la Palestine, maintenant qu’ils avaient mis la main à la charrue. Les jeunes chevaliers, au contraire, s’enflammèrent d’indignation en apprenant la manière infâme dont leur camarade avait été retenu, et peu d’entre eux auraient voulu perdre l’occasion d’assister à un combat en champ clos dans un pays où de pareils spectacles étaient rares, lorsqu’il devait s’en donner un si près d’eux.

Godefroy appuya son front sur sa main et parut dans une grande perplexité. Rompre avec les Grecs, après avoir enduré tant d’injures pour conserver l’avantage de rester en paix avec eux, paraissait fort impolitique, et c’était sacrifier tout ce qu’il avait obtenu