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mission. Il y avait environ quinze des principaux croisés réunis en conseil, sous la présidence de leur chef. Godefroy était un homme grand et vigoureux, arrivé à cette époque de la vie où l’on n’a encore rien perdu de sa résolution, tandis qu’on a acquis une sagesse et une circonspection inconnues à un âge moins avancé. La physionomie de Godefroy annonçait prudence et hardiesse, et s’harmoniait heureusement avec ses cheveux où quelques fils d’argent se mêlaient déjà à ses tresses noires.

Tancrède, le plus noble chevalier de la chevalerie chrétienne, était assis à peu de distance de lui, avec Hugues, comte de Vermandois, généralement appelé le Grand Comte, — ensuite venaient l’égoïste et rusé Bohémond, le puissant Raymond de Provence et d’autres principaux croisés, tous revêtus de leur armure.

Bertha ne se laissa point décourager, mais, s’avançant avec une grâce timide vers Godefroy, elle remit dans ses mains l’anneau qui lui avait été rendu par le jeune page, et, après une profonde révérence, elle s’exprima en ces termes : « Godefroy, duc de Bouillon, comte de la Basse-Lorraine, chef de la sainte entreprise appelée croisade, et vous ses vaillants camarades, pairs et compagnons, à quelque titre que vous deviez être honorés ; moi, humble enfant d’Angleterre, fille d’Engelred, originairement Franklin du Hampshire, et depuis capitaine des Forestiers ou Anglo-Saxons libres, sous le commandement du célèbre Éderic, je réclame la confiance due au porteur du gage irrécusable que je viens de remettre entre vos mains, de la part d’un guerrier qui n’occupe pas ici le dernier rang, de la part du comte Robert de Paris… — Notre très honorable confédéré, » dit Godefroy en regardant l’anneau. « La plupart d’entre vous, messeigneurs, doivent, je pense, connaître le cachet… Un champ semé de fragments de lances brisées. » L’anneau fut passé de main en main dans l’assemblée et généralement reconnu.

Quand Godefroy le lui eut signifié, la jeune fille continua son message : « À tous les princes croisés, camarades de Godefroy de Bouillon, et particulièrement au duc lui-même… À tous, excepté à Bohémond d’Antioche, que le comte Robert regarde comme indigne de son attention… — Comment ! indigne de son attention, s’écria Bohémond ; que voulez-vous dire, damoiselle ? Mais le comte de Paris m’en rendra raison. — Avec votre permission, sire Bohémond, répliqua Godefroy, cela ne sera point. Par nos règlements, nous avons renoncé à nous envoyer des cartels les uns aux autres, et l’affaire, si elle ne peut s’arranger à l’amiable entre les parties,