Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/288

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de me montrer aussi fou que mon camarade, je voudrais demander quelle est cette jolie fille, qui vient rappeler à de nobles princes et à de saints pèlerins qu’ils ont fait, dans leur temps, les mêmes folies que les autres hommes. »

Bertha s’avança et dit quelques mots bas à l’oreille d’Ernest. Cependant Polydore et le reste de la bande joyeuse se permirent une longue suite de plaisanteries bruyantes et licencieuses, qui, quoique caractérisant les grossiers interlocuteurs, ne peuvent pas être admises ici. Leur effet fut d’ébranler jusqu’à un certain point le courage de la vierge saxonne, qui ne prit qu’à grand’peine sur elle-même de leur adresser la parole. « Si vous avez des mères, messieurs, dit elle, si vous avez des sœurs, que vous sauveriez du déshonneur au prix de votre sang… si vous aimez et honorez les saints lieux que vous avez fait serment d’arracher aux infidèles, ayez compassion de moi, afin d’être dignes de réussir dans votre entreprise. — Ne craignez rien, jeune fille, répondit Ernest, je serai votre protecteur, et vous, mes camarades, veuillez suivre mon avis. J’ai, pendant votre tapage, jeté un coup d’œil, contre ma promesse, sur le gage qu’elle porte, et si celle qui doit le présenter est insultée ou maltraitée, soyez sûr que Godefroy de Bouillon punira sévèrement l’injure qui lui aura été faite. — Oh ! camarade, si tu peux nous donner une telle garantie, répliqua Polydore, je serai le premier à conduire cette jeune femme en tout honneur et sûreté à la tente de sire Godefroy. — Les princes, reprit Ernest, doivent être près de se réunir pour le conseil. Ce que j’ai dit, je le soutiendrai et le garantirai de mon bras et de ma vie. Je pourrais en deviner davantage, mais je pense que cette jeune fille est capable de parler pour elle-même. — Ah ! que le ciel vous bénisse, brave écuyer ! dit Bertha ; qu’il vous rende également vaillant et heureux ! Ne vous embarrassez plus de moi que pour me conduire en sûreté auprès de votre chef, Godefroy de Bouillon. — Nous perdons du temps, » dit Ernest, en sautant à bas de son cheval. « Vous n’êtes pas une Orientale, belle fille, et je suppose que vous n’aurez pas de peine à conduire un cheval tranquille. — Pas la moindre, » répondit Bertha ; et, s’enveloppant de sa mante, elle sauta sur le généreux palefroi, comme une linotte se perche sur un buisson de rosier. « Et maintenant, monsieur, continua-t-elle, comme mon affaire ne comporte réellement aucun délai, je vous serai fort reconnaissante si vous m’indiquez tout de suite la tente du duc Godefroy de Bouillon. »