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Le lutteur Stephanos se montra à la porte suivante, qui était ornée de guirlandes de chêne et de lierre, en l’honneur d’une victoire récente. Il ne se retira point, encouragé tant par la conscience de sa force physique, que par une sombre morgue que les gens de cette espèce prennent souvent pour le véritable courage. Son admirateur et son flatteur, Lysimaque, se tenait derrière lui, protégé par ses larges épaules.

En passant, Hereward lui adressa la même question qu’au premier citoyen : « Savez-vous pourquoi les trompettes sonnent si tard ? — Vous devriez plutôt le savoir vous-même, » répondit Stephanos d’un ton bourru ; « car, à en juger par votre hache et votre casque, ce sont vos trompettes et non les nôtres qui troublent les honnêtes gens dans leur premier sommeil. — Faquin ! » répliqua le Varangien d’une voix qui fit tressaillir le lutteur ; « mais, quand la trompette sonne, un soldat n’a point le temps de punir un insolent ! »

Le Grec recula, rentra dans sa maison et, dans la précipitation de sa retraite, il faillit renverser l’artiste Lysimaque qui fut surpris par ce brusque mouvement.

Hereward arriva enfin aux casernes où la musique militaire avait cessé ; mais au moment où le Varangien mit le pied dans la vaste cour intérieure, elle recommença avec un effroyable vacarme ; il en fut presque étourdi, bien qu’il y fût accoutumé. « Qu’est-ce que cela signifie, Engelbrecht ? » demanda-t-il à la sentinelle varangienne qui se promenait la hache au bras, devant la porte.

« La proclamation d’un défi et d’un combat, répondit Engelbrecht. Il se passe d’étranges choses, camarade : les fous de croisés ont mordu les Grecs, et les ont infectés de leur goût pour les duels, comme les chiens, dit-on, se communiquent la rage. »

Hereward ne répliqua rien à la sentinelle, et se mêla en toute hâte à un groupe de soldats qui étaient rassemblés dans la cour, à demi armés, ou plus exactement, sans arme aucune, car ils sortaient de leur lit et se réunissaient au plus vite autour des trompettes de leur corps, en grand uniforme. Celui d’entre eux dont l’instrument gigantesque était chargé d’annoncer les ordres exprès de l’empereur ne manquait pas à son poste, et les musiciens étaient appuyés par une troupe de Varangiens en armes, commandés par Achille Tatius lui-même. Hereward put aussi remarquer en approchant davantage (car ses compagnons lui faisaient place), que six des hérauts de l’empereur étaient également de service. Quatre