Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/277

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tantinople ; néanmoins ma confiance en toi est si grande, Édouard, que je voudrais te voir persuadé que ma fille Anne Comnène n’a pas le caractère de sa mère, mais plutôt le mien. Si je respecte encore avec une religieuse fidélité les liens indignes que j’espère bientôt rompre, c’est pour la charger d’autres chaînes d’amour qu’elle portera plus légèrement. Édouard, ma principale confiance est en toi. Le hasard nous présente la plus favorable occasion, si nous savons en profiter, en rassemblant tous les traîtres devant nous en un même lieu. Pense alors, pense ce jour-là, comme les Francs le disent dans leurs tournois, que de beaux yeux te regardent. Il n’est aucun don en mon pouvoir que je ne sois disposé à t’accorder avec le plus vif plaisir et à la vue de tout le monde. — Je n’ai besoin de rien, » répondit le Saxon un peu froidement ; « ma plus haute ambition est de mériter cette épitaphe : « Hereward fut fidèle. » Je vais cependant vous demander une preuve de votre confiance impériale qui peut-être vous semblera trop forte. — Vraiment ! En un mot, que demandes-tu ? — La permission de me rendre au camp du duc Godefroid de Bouillon, et de solliciter sa présence dans la lice pour qu’il soit témoin d’un combat si extraordinaire. — Pour qu’il puisse revenir avec ses fous de croisés et saccager Constantinople, sous prétexte de rendre justice à ses confédérés ! Du moins, Varangien, ce n’est pas déguiser tes intentions. — Non, par le ciel ! » répliqua brusquement Hereward. « Le duc de Bouillon ne viendra qu’avec un nombre suffisant de chevaliers, pour avoir une garde raisonnable dans le cas où l’on voudrait employer la trahison contre la comtesse de Paris. — Eh bien, j’acquiescerai à une pareille demande. Mais toi, Édouard, si tu trahis ma confiance, songe que tu perds tout ce que t’a promis mon amitié, en qu’en outre tu encours la damnation due au traître qui trahit avec un baiser. — Quant à la récompense dont vous parlez, sire, je renonce dès à présent à tous les droits que je puis y avoir. Lorsque le diadème sera replacé solidement sur votre tête, et le sceptre dans votre main, si je suis encore vivant et si mes faibles services vous paraissent le mériter, je vous demanderai les moyens de quitter cette cour, et de retourner dans l’île lointaine où je suis né. En attendant, ne croyez pas que je sois infidèle parce que j’ai les moyens de l’être en effet. Votre Altesse impériale verra qu’Hereward lui est aussi fidèle que votre main droite l’est à votre main gauche. » Après ces mots, il se retira en faisant un profond salut.

L’empereur le regarda partir avec une physionomie où l’incertitude se mêlait à l’admiration.