Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/265

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tresse, et rarement elle l’ennuyait de remontrances, à moins qu’ils ne fussent réellement extraordinaires. Cette indulgence de presque tous les instants donnait à Bertha le droit d’énoncer son avis quelquefois ; et comme elle l’émettait toujours avec la meilleure intention et fort à propos, elle augmentait ainsi son influence sur sa maîtresse, influence qu’elle aurait certainement détruite en suivant un plan d’opposition directe.

Quelques mots suffirent pour apprendre à Hereward la mort du chevalier d’Aspremont, le romanesque mariage de la jeune héritière avec le comte de Paris, leur départ pour la croisade, et le détail des autres événements que le lecteur connaît déjà.

Hereward ne comprit pas exactement quelques uns des derniers incidents de cette histoire, par suite d’une légère altercation qui s’éleva entre Bertha et lui pendant le cours de son récit. Quand elle avoua la simplicité enfantine avec laquelle elle avait obstinément refusé de changer de nom, parce qu’elle avait craint de porter ainsi atteinte au serment d’amour qu’ils avaient prêté elle et son amant, il fut impossible à Hereward de ne pas reconnaître sa tendresse en la pressant sur son sein, et en lui imprimant sur les lèvres des marques de sa reconnaissance. Mais elle s’arracha aussitôt des bras de son amant, les joues plus rouges de pudeur que de colère, et lui parla ainsi d’un ton solennel : « Assez, assez, Hereward ! ceci peut se pardonner après une rencontre inattendue ; mais nous devons désormais nous souvenir que nous sommes les derniers de notre race, et qu’il ne faut pas qu’on puisse dire que les coutumes de leurs ancêtres ont été oubliées par Hereward et Bertha. Songe que, si nous sommes seuls, les ombres de nos pères ne sont pas loin, et nous épient pour voir quel usage nous ferons d’une entrevue que peut-être leur intercession nous a procurée. — Vous me faites injure, Bertha, si vous me supposez capable d’oublier mon devoir et le vôtre dans un moment où nous devons rendre grâce au ciel d’une tout autre manière qu’en manquant à ses préceptes et aux commandements de nos parents. La question est maintenant de savoir comment nous pourrons nous retrouver lorsque nous serons séparés, car je crains qu’il ne faille nous séparer encore. — Oh ! ne parle pas ainsi ! s’écria l’infortunée Bertha. — Notre séparation est indispensable, répliqua Hereward, pour un temps du moins, car je te jure par la garde de mon épée et par le manche de ma hache, que jamais lame ne sera aussi fidèle à sa poignée que je te le serai, moi ! — Mais pourquoi donc me quitter,