Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/264

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deux jeunes filles, « sans doute si vous vouliez me le permettre, je pourrais vous proposer une alternative qui en même temps comblerait vos désirs, ne serait point contraire à la volonté de ma fille opiniâtre, et répondrait aux intentions bienveillantes de sa noble maîtresse. » La dame d’Aspremont fit signe à la matrone saxonne de continuedeux jeunes filles, « sans doute si vous vouliez me le permettre, je pourrais vous proposer une alternative qui en même temps comblerait vos désirs, ne serait point contraire à la volonté de ma fille opiniâtre, et répondrait aux intentions bienveillantes de sa noble maîtresse. » La dame d’Aspremont fit signe à la matrone saxonne de continuer ; elle poursuivit en ces termes : « Les Saxons d’aujourd’hui, ma chère dame, ne sont ni païens ni hérétiques ; ils obéissent humblement au pape de Rome, quant à l’époque de la Pâque et à tous les autres points de doctrine contestables ; et notre bon évêque le sait bien, puisqu’il a reproché à certains domestiques de m’appeler une vieille païenne. Cependant nos noms déplaisent aux oreilles des Francs, et ont peut-être un air païen. Si l’on n’exige pas que ma fille se soumette à la cérémonie d’un nouveau baptême, elle quittera son nom de Bertha tant qu’elle demeurera à votre honorable service. C’est une manière de terminer un débat qui, pardonnez-le-moi, ne me semble pas assez important pour troubler la paix du château. Je vous promets qu’en reconnaissance de cette indulgence pour un vain scrupule, ma fille redoublera de zèle et d’activité pour sa jeune maîtresse. »

La dame d’Aspremont s’estima heureuse d’employer le moyen qu’on lui offrait pour se tirer d’embarras, sans compromettre sa dignité. « Si monseigneur l’évêque approuvait un pareil arrangement, dit-elle, elle ne s’y opposerait aucunement. » Le prélat approuva d’autant plus volontiers, qu’il sut que la jeune héritière désirait ardemment voir les choses se terminer ainsi. La paix fut rétablie au château, et Bertha prit le nom d’Agathe comme un nom de service, mais non de baptême.

Cette dispute produisit certainement un effet : ce fut de porter jusqu’à l’enthousiasme l’amour de Bertha pour sa jeune maîtresse. Avec cette attention délicate de domestique attachée et d’humble amie, elle s’efforçait de la servir comme on savait qu’elle aimait à être servie, et se prêtait de bonne grâce à toutes ces fantaisies chevaleresques qui la rendaient singulière même dans son siècle, et qui, dans le nôtre, en eussent fait un don Quichotte femelle. Bertha, il est vrai, ne prit jamais la frénésie de sa maîtresse ; mais, vigoureuse, pleine de bonne volonté, et fortement membrée, elle se mit bientôt en état de remplir les fonctions d’écuyer auprès d’une dame aventurière. Accoutumée dès son enfance à voir porter des coups, du sang couler et des hommes mourir, elle pouvait considérer d’un œil intrépide les périls auxquels s’exposait sa  ; elle poursuivit en ces termes : « Les Saxons d’aujourd’hui, ma chère dame, ne sont ni païens ni hérétiques ; ils obéissent humblement au pape de Rome, quant à l’époque de la Pâque et à tous les autres points de doctrine contestables ; et notre bon évêque le sait bien, puisqu’il a reproché à certains domestiques de m’appeler une vieille païenne. Cependant nos noms déplaisent aux oreilles des Francs, et ont peut-être un air païen. Si l’on n’exige pas que ma fille se soumette à la cérémonie d’un nouveau baptême, elle quittera son nom de Bertha tant qu’elle demeurera à votre honorable service. C’est une manière de terminer un débat qui, pardonnez-le-moi, ne me semble pas assez important pour troubler la paix du château. Je vous promets qu’en reconnaissance de cette indulgence pour un vain scrupule, ma fille redoublera de zèle et d’activité pour sa jeune maîtresse. »

La dame d’Aspremont s’estima heureuse d’employer le moyen qu’on lui offrait pour se tirer d’embarras, sans compromettre sa dignité. « Si monseigneur l’évêque approuvait un pareil arrangement, dit-elle, elle ne s’y opposerait aucunement. » Le prélat approuva d’autant plus volontiers, qu’il sut que la jeune héritière désirait ardemment voir les choses se terminer ainsi. La paix fut rétablie au château, et Bertha prit le nom d’Agathe comme un nom de service, mais non de baptême.

Cette dispute produisit certainement un effet : ce fut de porter jusqu’à l’enthousiasme l’amour de Bertha pour sa jeune maîtresse. Avec cette attention délicate de domestique attachée et d’humble amie, elle s’efforçait de la servir comme on savait qu’elle aimait à être servie, et se prêtait de bonne grâce à toutes ces fantaisies chevaleresques qui la rendaient singulière même dans son siècle, et qui, dans le nôtre, en eussent fait un don Quichotte femelle. Bertha, il est vrai, ne prit jamais la frénésie de sa maîtresse ; mais, vigoureuse, pleine de bonne volonté, et fortement membrée, elle se mit bientôt en état de remplir les fonctions d’écuyer auprès d’une dame aventurière. Accoutumée dès son enfance à voir porter des coups, du sang couler et des hommes mourir, elle pouvait considérer d’un œil intrépide les périls auxquels s’exposait sa maî-