Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/263

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enfin de la congédier et de la chasser du château. Elle s’y était résignée d’avance, et répondit d’un ton ferme quoique respectueux : « Qu’elle pleurerait amèrement de quitter sa maîtresse, mais que du reste elle aimerait mieux mendier sous son propre nom que de renier la foi de ses pères et de la condamner comme une hérésie en prenant un nom d’origine française. » Au même instant, Brenhilda entrait dans l’appartement où la mère allait prononcer la sentence de bannissement. « Que ma présence ne vous retienne pas, madame, » dit l’intrépide jeune fille ; « je suis aussi intéressée que Bertha elle-même à la sentence que vous allez rendre ; si elle traverse, comme exilée, le pont-levis d’Aspremont, je le traverserai aussi comme telle quand elle aura essuyé des larmes que ma pétulance même n’a jamais fait couler de ses yeux. Elle me servira d’écuyer et de garde du corps, et Lancelot le barde m’accompagnera avec ma lance et mon écu. — Et vous reviendrez de cette folle expédition, mistress, avant que le soleil se couche, lui répondit sa mère. — Si le ciel me favorise dans mon projet ! répondit la jeune héritière, madame, le soleil qui nous verra revenir ne se lèvera point avant que le nom de Bertha et celui de Brenhilda sa maîtresse soient portés aussi loin que l’on entend la trompette de la Renommée… Du courage ! ma chère Bertha, » dit-elle en prenant la main de sa compagne ; « si le ciel t’a arrachée à ton pays et à la foi de ton amant, il t’a donné une sœur et une amie, et ta renommée sera bénie à jamais avec la sienne. »

La dame d’Aspremont resta confondue ; elle savait que sa fille était très capable de faire ce qu’elle venait d’annoncer, et que ni son autorité de mère ni le pouvoir de père lui-même ne pourraient réussir à la détourner de ce dessein. Elle écouta donc passivement, tandis que la matrone saxonne, autrefois Ulrica et maintenant Marthe, adressait la parole à sa fille : « Maintenant, lui dit-elle, si vous faites le moindre cas de l’honneur, de la vertu, de votre propre sûreté et de la reconnaissance, adoucissez votre cœur envers votre maître et votre maîtresse, et suivez le conseil d’une mère qui a plus d’années et d’expérience que vous. Et vous, ma chère jeune dame, ne laissez pas croire à madame votre mère que votre attachement aux exercices dans lesquels vous excellez a détruit dans votre cœur toute affection filiale, tout sentiment de délicatesse propre à votre sexe. — Comme elles semblent s’obstiner toutes deux, madame, » continua la matrone après avoir attendu quelques minutes pour voir si ces remontrances n’auraient pas de pouvoir sur les