Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/260

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la femme et la fille d’Engelred avaient certainement péri. L’imagination de ceux qui parlaient de la sorte appuya cette conclusion de tant de détails déchirants qu’Hereward se décida à ne pas continuer des recherches qui semblaient ne devoir amener que de tragiques résultats.

Le jeune Saxon avait été toute sa vie élevé dans une haine patriotique des Normands, et ses dispositions à leur égard ne devinrent pas plus favorables, comme on doit bien le penser, par suite de cet événement. Il songea d’abord à passer le détroit pour faire la guerre à ces ennemis abhorrés dans leur propre pays ; mais une idée si extravagante sortit bientôt de sa tête. Son destin fut décidé par la rencontre d’un vieux pèlerin qui connaissait ou prétendait avoir connu son père, et qui était né en Angleterre. Cet homme était un Varangien déguisé, choisi tout exprès, plein d’adresse et de dextérité, et bien muni d’argent. Il eut peu de peine à persuader à Hereward, dans la situation-désespérée où il se trouvait, d’entrer dans la garde varangienne, qui, disait le pèlerin, faisait alors la guerre aux Normands ; car c’était flatter les préventions d’Hereward que de représenter ainsi les guerres de l’empereur des Grecs contre Robert Guiscard, son fils Bohémond, et d’autres aventuriers, en Italie, en Grèce et en Sicile. Un voyage en Orient était aussi un pèlerinage, et présentait à l’infortuné Hereward la chance d’obtenir la rémission de ses péchés en visitant la terre sainte. En gagnant Hereward, le recruteur s’assura aussi les services de son frère aîné, qui avait fait vœu de ne pas se séparer de lui.

La haute réputation de courage dont jouissaient les deux frères fit que cet agent rusé les considéra comme une précieuse acquisition, et comme le frère aîné avait été fort communicatif, c’était dans les notes qu’on prenait d’ordinaire sur l’histoire et le caractère des recrues, qu’Agelastès avait puisé sur la famille et la position d’Hereward ces renseignements dont il s’était servi dans leur première entrevue pour faire croire au Varangien qu’il avait des connaissances surnaturelles. Plusieurs de ses compagnons d’armes avaient été gagnés de même, car on devinera sans peine que ces notes étaient confiées à la garde d’Achille Tatius, et que celui-ci, pour atteindre leur but commun, les communiquait à Agelastès, qui obtenait ainsi aux yeux de ces hommes ignorants la réputation d’une science plus qu’humaine ; mais la foi ferme et l’honnêteté d’Hereward le mirent à même d’éviter le piège.

Telles étaient les aventures d’Hereward ; celles de Bertha firent