Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/248

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dans mon pauvre appartement, au quartier des Varangiens, qui est le dernier endroit où ils songeront à venir vous chercher. Prenez mon manteau, et venez avec moi ; maintenant que nous allons sortir de ces jardins, vous pouvez me suivre sans exciter de soupçon, comme un soldat accompagnant son officier ; car, je vous le dis en passant, noble comte, nous autres Varangiens, nous sommes une sorte de gens que les Grecs n’osent regarder ni longtemps ni fixement.

Ils regagnèrent alors la porte par laquelle la négresse les avait introduits, et Hereward, à qui l’on avait confié le moyen de sortir des jardins du philosophe, bien qu’il ne pût y entrer sans le secours de la portière, prit une clef qui ouvrit la serrure intérieurement, de sorte qu’ils se trouvèrent en liberté. Ils traversèrent la ville par des rues détournées, Hereward marchant le premier, et le comte suivant sans faire d’observation, jusqu’à ce qu’ils arrivassent devant le portail de la caserne des Varangiens.

« Dépêchez-vous, dit la sentinelle, le dîner est déjà commencé. » Cette nouvelle sonna joyeusement à l’oreille d’Hereward, qui avait grand’peur que son compagnon ne fût arrêté et examiné. Il se rendit à son propre appartement par un passage dérobé, et introduisit le comte dans une petite chambre où couchait son écuyer ; il s’excusa de le laisser seul pour quelque temps ; et en s’en allant, il ferma la porte à clef de crainte, dit-il, des intrus.

Le démon de la méfiance n’avait guère de pouvoir sur un esprit aussi franchement constitué que celui du comte Robert, et cependant la dernière action d’Hereward ne laissa pas de lui suggérer quelques réflexions pénibles.

« Il faut, pensa-t-il, que cet homme me soit fidèle, car j’ai mis en lui une grande confiance, et peu de mercenaires à sa place en useraient honorablement. Qui l’empêcherait d’aller dire au principal officier du poste que le prisonnier Franc, le comte Robert de Paris, dont la femme a promis de se battre en combat singulier contre le césar, après s’être échappé ce matin des prisons de Blaquernal, s’est laissé reprendre à midi, et qu’il est de nouveau captif dans la caserne de la garde varangienne ? Quels sont mes moyens de défense si ces mercenaires viennent à me découvrir ?… Ce qu’un homme peut faite par la faveur de Notre-Dame des Lances rompues, je n’ai jamais manqué de l’accomplir. J’ai tué un tigre en combat singulier… j’ai assommé un de mes gardiens, et triomphé de la créature furieuse et gigantesque qui venait le secourir. J’ai