Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/240

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homme, » interrompit Agelastès un peu piqué ; « ou plutôt, noble césar ! gardez votre esprit… vous aurez bientôt ample occasion de le faire briller. — Ne crains rien pour moi ; et maintenant songeons à profiter des avantages que nous possédons, qu’ils soient naturels ou donnés à nous par notre cher et respectable ami. Ah ! » s’écria-t-il, la porte s’ouvrant tout-à-coup, et la comtesse s’avançant presque au devant de lui, « nos désirs sont prévenus. »

Il s’inclina donc avec le plus profond respect devant Brenhilda, qui, après avoir fait quelques changements à sa toilette pour la rendre plus brillante, sortait alors du cabinet où elle s’était retirée.

« Salut à vous, noble dame, dit le césar. Je viens vous visiter avec l’intention de m’excuser de vous retenir, peut-être contre votre gré, dans ces étranges régions dont vous êtes si inopinément devenue l’habitante. — Non pas peut-être, répliqua la dame, mais assurément contre ma volonté, qui est de rejoindre au plus tôt mon époux, le comte de Paris, et les braves soldats qui ont pris la croix sous sa bannière. — Telles furent sans doute vos pensées lorsque vous quittâtes les pays de l’Est, dit Agelastès ; mais, belle comtesse, n’ont-elles éprouvé aucun changement ? Vous avez quitté des rivages où le sang humain coule à la moindre provocation, pour venir dans une région où le premier précepte est d’augmenter la somme de bonheur humain par tous les moyens imaginables. Dans l’Occident celui-là et celle-ci sont le mieux respectés, qui savent le mieux exercer leur force tyrannique en rendant les autres malheureux ; tandis que, dans nos pays plus pacifiques, nous réservons nos couronnes à l’homme spirituel et à l’aimable femme qui savent le mieux faire le bonheur de la personne en qui ils ont placé leurs affections. — Mais, révérend philosophe, répliqua la comtesse, qui travaillez avec tant d’art à me recommander le joug du plaisir, sachez donc que vous contredisez toutes les idées qui m’ont été familières depuis mon enfance. Dans le pays où s’est écoulée ma jeunesse, tant s’en faut que nous admettions vos doctrines, que nous ne nous marions jamais que comme le lion et la lionne, lorsque l’homme a forcé la femme de reconnaître la supériorité de son mérite et de sa valeur. Cela est si fort dans nos mœurs, qu’une jeune fille, même de basse naissance, croirait avoir conclu un mariage indigne d’elle, si elle épousait un homme qui n’eût pas encore de renommée guerrière. — Mais, noble dame, dit le césar, un homme mourant peut encore se flatter de quelque faible espérance. S’il était possible le moins du monde, qu’en se distinguant au milieu des combats, on