Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui nous ferait battre. Si je succombe, mes gémissements ne dureront pas long-temps ; « mais ma mort rendra-t-elle la liberté à ton épouse, si elle est détenue ? lui rendra-t-elle l’honneur, si son honneur est souillé ?… Fera-t-elle autre chose qu’enlever de ce monde la seule personne qui soit disposée à te prêter secours, à ses risques et périls ; qui espère te réunir à ta femme, et le replacer à la tête de tes hommes ? — J’avais tort, j’avais tout-à-fait tort ; mais garde-toi, mon bon ami, d’accoupler le nom de Brenhilda d’Aspremont avec le mot de déshonneur, et au lieu de me tenir ces discours offensants, dis-moi où nous allons. — Au jardin de Cythère d’Agelastès, dont nous ne sommes pas très éloignés ; cependant il y a, pour s’y rendre, une route plus courte que celle que nous suivons maintenant, sinon je ne pourrais m’expliquer comment Agelastès peut se transporter si vite de son riant jardin aux sombres ruines du temple d’Isis et au palais impérial de Blaquernal. — Et pourquoi, et depuis combien de temps penses-tu que ma comtesse soit retenue dans ces jardins ? — Depuis hier. Moi, et plusieurs de mes camarades à ma prière, nous observions attentivement le césar et votre épouse ; le césar laissait paraître une vive admiration pour elle, et la comtesse semblait profondément irritée ; nous jugeâmes qu’Agelastès, l’ami de Nicéphore, serait chargé, comme d’ordinaire, de mener cette affaire à bonne fin, en vous séparant d’abord tous les deux de l’armée des croisés ; votre épouse, afin qu’elle eût le plaisir d’habiter les jardins du respectable philosophe, comme beaucoup de femmes les ont habités avant elle ; tandis que vous, sire chevalier, vous prendriez un logement permanent dans le château de Blaquernal. — Coquin ! pourquoi ne pas m’avoir averti dès hier ? — Quelle vraisemblance y a-t-il que j’eusse pris la liberté de quitter les rangs pour faire une telle communication à un homme qui, loin d’être mon ami, était considéré par moi comme un ennemi personnel ! Il me semble qu’au lieu de tenir un pareil langage, vous devriez être reconnaissant que tant de circonstances se soient réunies pour faire de moi un ami et un aide. »

Le comte Robert sentit la vérité de ce que disait le Varangien, quoique son caractère hautain l’excitât à se venger, suivant son habitude, sur l’individu qui se trouvait sous sa main.

Mais ils étaient alors arrivés à ce que les habitants de Constantinople appelaient le Jardin du Philosophe. Hereward espérait pouvoir y pénétrer, attendu qu’il avait réussi à connaître une partie des signaux particuliers d’Achille et d’Agelastès, car il avait été in-