Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait toujours la main ouverte, donnait à chaque soldat son dû ; et, sauf cette légère circonstance du courage, il aurait été difficile à ces étrangers de souhaiter un chef qui leur plût davantage. En outre, notre ami Hereward était admis dans la société de l’Acolouthos ; il l’accompagnait, comme nous l’avons vu, dans des expéditions secrètes, et en conséquence il n’était pas exempt de ce qu’on peut appeler, d’un terme expressif, quoique vulgaire, l’obéissance servile qu’avaient pour ce nouvel Achille la plus grande partie de ses Mirmidons.

On pourrait dire que leur attachement à leur chef était aussi vif que le permettait un manque absolu d’estime. Le projet formé par Hereward d’effectuer la délivrance du comte de Paris comprenait donc autant de fidélité à l’empire et à son représentant, Achille Tatius, que la chose était possible, tout en reconnaissant que le Franc était injustement traité.

Pour exécuter ce dessein, il conduisit le comte Robert hors des voûtes souterraines de Blaquernal, dont il connaissait tous les détours, car depuis un certain temps il y avait été nombre de fois posté en sentinelle, pour acquérir cette connaissance des lieux, dont Tatius se promettait bien de profiter lorsque la conspiration éclaterait. Quand ils furent en plein air et à quelque distance des sombres tours du palais, il demanda brusquement au comte de Paris s’il connaissait Agelastès le philosophe. Le comte répondit négativement.

« Faites-y bien attention, sire chevalier ; c’est vous nuire à vous-même que de vouloir m’en imposer, dit Hereward. Vous devez le connaître, car je vous ai vu dîner avec lui hier. — Ah, ah ! ce savant vieillard ? Je ne sais sur son compte rien qui vaille la peine d’être communiqué ou caché. C’est un homme rusé, demi-héraut et demi-ménestrel. — Demi-entremetteur, et tout-à-fait coquin. Sous le masque d’une bonne humeur apparente, il exerce le métier de satisfaire tous les vices d’autrui ; avec son spécieux jargon de philosophie, il s’est soustrait aux croyances religieuses et aux principes de la morale ; avec l’apparence de la fidélité la plus dévouée, il arrachera, s’il n’est arrêté à temps, la vie et l’empire à son maître trop confiant, ou s’il n’y parvient pas, il livrera sans scrupule ses complices à la mort et à la misère. — Quoi ! vous connaissez toutes ces choses, et néanmoins vous permettez à cet homme d’agir librement ! — Oh ! soyez tranquille, sire chevalier ; je ne puis encore former aucun complot que ne puisse déjouer Agelastès ; mais