Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/229

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périale a-t-elle réfléchi que c’est jouer, avec la plus insouciante inconséquence, un empire et même votre vie sacrée, la mienne et celle de tous ceux qui te sont joints à nous dans ce hardi projet ? Et contre quoi les jouez-vous ? contre les faveurs fort incertaines d’une personne qui tient du démon et de la femme, et qui, dans l’une de ces deux natures, doit devenir fatale à notre projet, soit en se montrant disposée à vous écouter, soit en s’offensant de vos propositions. Si vous la trouvez telle que vous la désirez, elle voudra garder son amant à ses côtés, et détourner de lui les dangers d’une conspiration périlleuse ; et si elle demeure, comme on le pense, fidèle à son mari et aux sentiments qu’elle a jurés au pied de l’autel, vous pouvez prévoir quel ressentiment elle aura contre vous, en vous voyant renouveler des tentatives qu’elle a déjà si mal reçues. — Allons donc, vieillard ! tu deviens radoteur, et au milieu des grandes connaissances que tu as acquises, tu as oublié celles qui valaient davantage la peine d’être étudiées, la connaissance de la plus belle moitié de la création. Songe à l’impression que doit faire un amant dont le rang et la personne ne sont certainement pas à dédaigner, sur une femme qui doit craindre les conséquences d’un refus ! Allons, Agelastès, dispense-moi de ton croassement d’aussi mauvais augure que celui du corbeau sur un chêne mort à main gauche ; mais fais-nous de belles déclamations pour dire qu’un cœur timide n’a jamais conquis une belle, et que ceux qui entrelacent les lauriers de Mars du myrte de Vénus sont seuls dignes de l’empire. Allons, mon brave, ouvre-moi l’entrée secrète qui unit ces ruines magiques à des bosquets, à ceux de Cythère et de Naxos. — Il faut en passer par où vous voulez ! » dit le philosophe, avec un profond soupir un peu affecté.

« Ici, Diogène !» dit à voix haute le césar ; « lorsque tu es évoqué, l’esprit malin n’est pas loin. Allons, ouvre l’entrée secrète. Le génie du mal, mon fidèle nègre, n’est pas assez éloigné pour ne pas répondre à la première pierre que tu remueras. »

Le nègre regarda son maître, qui lui donna son consentement par un coup d’œil.. Diogène s’approcha alors vers un endroit de la muraille en ruines qui était caché par quelques arbustes grimpants, qu’il écarta soigneusement. Il mit à découvert une petite poterne fermée irrégulièrement, et bouchée depuis le seuil jusqu’en haut avec de grandes pierres de taille, que l’esclave enleva toutes et posa à côté, comme dans le dessein de les replacer. « Je te laisse, dit Agelastès, la garde de cette porte ; ne laisse entrer personne au