Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/222

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lanterne sourde, à examiner la blessure du premier homme qui s’était présenté au combat, et qui semblait, par son costume romain, être un soldat des cohortes appelées les immortels. Il le trouva dans l’agonie de la mort, mais encore en état de parler.

« Ainsi, Varangien, te voilà venu enfin… et c’est à ta lenteur ou à ta trahison que je dois imputer mon sort… ne me réponds pas, c’est inutile !… l’étranger m’a frappé au dessus de l’os du cou… Si nous étions demeurés long-temps ensemble, ou que nous nous fussions rencontrés souvent, je t’en aurais fait autant, pour effacer la mémoire de certains faits qui se sont passés à la Porte d’Or… Je connais trop bien l’usage du poignard, pour ne pas savoir à quoi m’en tenir sur un coup frappé sur l’os du cou par une main si vigoureuse… Je la sens venir. L’immortel, comme on l’appelle, devient maintenant, si les prêtres disent vrai, un immortel tout de bon, et l’arc de Sebastes de Mitylène est brisé avant que son carquois soit à moitié vidé. »

Le voleur grec tomba à la renverse dans les bras d’Hereward, et termina sa vie par un gémissement qui fut le dernier son qu’il fit entendre. Le Varangien étendit le corps sur le sol du cachot

« Voilà un cas embarrassant, dit-il ; je ne suis certainement pas tenu de mettre à mort un homme brave, quoique mon ennemi de nation, parce qu’il a tué un mécréant qui méditait de m’assassiner moi-même. Ce n’est point non plus dans un pareil lieu ni à la clarté d’une semblable lumière que nous pouvons nous battre comme il convient aux champions de deux nations. Laissons dormir cette querelle pour le présent… Qu’en penseriez-vous, noble comte, si nous ajournions le combat, jusqu’au moment où nous aurons effectué votre délivrance des cachots de Blaquernal, et vous aurons rendu à vos amis et à ceux qui suivent votre bannière ? Si un pauvre Varangien pouvait vous être utile dans cette affaire, refuseriez-vous, lorsqu’elle serait terminée, de vous mesurer avec lui en combat régulier, soit avec les armes de votre nation, soit avec les siennes ? — Si, répondit le comte Robert, comme ami ou comme ennemi, tu veux étendre tes services jusqu’à ma femme, qui est aussi emprisonnée quelque part dans ce palais inhospitalier, sois assuré que, quel que soit ton rang, quel que soit ton pays, quelle que soit ta condition, Robert de Paris, à ton choix, ou te tendra la main droite en signe d’amitié, ou la lèvera pour se mesurer avec toi loyalement et en homme de cœur dans un combat, non de haine, mais d’honneur et d’estime : j’en fais le serment par l’âme de Char-