Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/219

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veugle grec ?… Ou enfin, ce qu’on dit de toi est-il vrai, que tu parles intelligiblement quand tu le veux, et que tu pousses des sons inarticulés seulement dans la crainte que l’on ne t’envoie travailler ? Arrive, chien de paresseux ; tu auras une échelle pour monter, quoique tu n’en aies pas plus besoin qu’une chouette pour monter sur le clocher de la cathédrale de Sainte-Sophie. Grimpe donc, ajouta l’homme en descendant une échelle par la trappe, et ne me donne pas la peine de descendre te chercher, ou, autrement, par saint Swithin, il t’en arrivera malheur ! Monte donc comme un brave garçon, et pour cette fois je te dispenserai du fouet. »

L’animal, apparemment, fut touché de cette rhétorique ; car, d’un air triste que le comte Robert put voir au moyen de la torche presque éteinte, il sembla lui dire adieu, et s’approcha lentement de l’échelle avec toute la bonne volonté qu’un condamné apporte à exécuter la même manœuvre. Mais du moment où le comte prit un air de mécontentement et agita son redoutable poignard, l’animal intelligent parut tout-à-coup avoir pris sa résolution, et joignant fortement les mains comme quelqu’un qui a pris son parti, il s’éloigna du pied de l’échelle, et alla se placer derrière le comte Robert, Toutefois, en faisant cela, il avait l’air d’un transfuge qui se sent peu à son aise, lorsqu’il est appelé à combattre son ancien commandant.

Au bout d’un court intervalle, la patience du gardien fut épuisée, et désespérant de voir venir le Sylvain de lui-même, il résolut d’aller le chercher. Il descendit l’échelle, avec un trousseau de clefs dans une main, tandis que l’autre l’aidait à descendre ; il portait une espèce de lanterne sourde, dont le fond était façonné de manière à la porter sur la tête comme un chapeau. Il avait à peine posé le pied sur le sol, qu’il se trouva entouré des bras nerveux du comte de Paris. La première idée du geôlier fut qu’il était saisi par le Sylvain récalcitrant…

« Eh bien, coquin ! dit-il, laisse-moi aller, ou tu périras de ma main. — Tu périras toi-même, » répondit le comte, qui comprenait quel avantage lui donnaient la surprise de son adversaire, et sa propre habileté à lutter.

« Trahison ! trahison ! » s’écria le gardien, reconnaissant à la voix du chevalier qu’un étranger s’était mis de la partie. « Au secours, hé ! là haut, au secours, Hereward… Varangien !… Anglo-Saxon, ou quelque maudit nom que tu portes ! »

Tandis qu’il parlait ainsi, la main de fer du comte Robert le sai-