Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et un petit paquet de bandages. Le chevalier s’en empara, et fit signe à l’animal de lui présenter sa main blessée. L’homme des bois obéit avec hésitation et répugnance, et le comte Robert y appliqua le baume et l’appareil, disant à son malade, en même temps, d’un ton de voix sévère, « que peut-être il était mal d’employer à cet usage un baume composé pour l’utilité des plus nobles chevaliers ; mais que, si le Sylvain laissait paraître la moindre envie de payer d’ingratitude un semblable bienfait, lui, Robert, l’en punirait aussitôt en plongeant jusqu’au manche dans ses entrailles maudites le poignard avec la pointe duquel il avait déjà fait connaissance. »

Le Sylvain regardait fixement le comte Robert, comme s’il eût compris le langage qu’il lui tenait, et, poussant un de ses murmures accoutumés, il se courba jusqu’à terre, baisa les pieds du chevalier, et, embrassant ses genoux, sembla lui jurer une reconnaissance et une fidélité éternelles. En conséquence, lorsque le comte se retira près du lit et revêtit son armure pour attendre que l’on rouvrît la trappe, l’animal s’assit à ses côtés, portant les yeux dans la même direction, et sembla aussi en attendre tranquillement l’ouverture.

Après une attente d’environ une heure, un léger bruit se fit entendre dans la chambre au dessus, et l’homme sauvage tira le Franc par son manteau, comme pour appeler son attention sur ce qui allait se passer. La même voix qui s’était déjà fait entendre, après avoir sifflé une ou deux fois, appela : « Sylvain, Sylvain ! à quoi donc t’amuses-tu ? Viens à l’instant, ou, par la croix, tu me payeras ta nonchalance ! »

Le pauvre monstre, comme Trinculo aurait pu l’appeler, sembla parfaitement comprendre le sens de cette menace, et le témoigna en se serrant contre le comte Robert, faisant entendre en même temps un accent plaintif, comme pour implorer la protection du chevalier. Oubliant la grande invraisemblance qu’il y avait, même dans sa propre opinion, que la pauvre créature pût le comprendre, le comte Robert dit : « Eh quoi, l’ami ! as-tu déjà appris la prière des courtisans de ce pays, par laquelle ils demandent la permission de parler et de vivre. Ne crains rien, pauvre créature… je suis ton protecteur. — Sylvain ! ho ! » cria de nouveau la voix ; « quel compagnon as-tu trouvé en route ?… quelqu’un des démons ou des esprits des hommes tués dans ces cachots, qui, dit-on, s’y promènent fréquemment ? ou tiens-tu conversation avec ce vieux rebelle d’a-