Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/195

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Celui-ci passait son temps, comme les maris de toutes les époques, en doléances moitié sérieuses, moitié plaisantes, sur la lenteur naturelle des dames et le temps qu’elles perdent à s’habiller et à se déshabiller. Mais lorsque la comtesse Brenhilda, sortant de son cabinet de toilette, parut dans tout l’éclat de ses charmes, son mari, qui était encore son amant, la pressa dans ses bras et fit acte de privilège par un baiser qu’il prit, comme de droit, à une créature si belle. Le grondant de sa folie, et néanmoins rendant presque le baiser qu’elle avait reçu, Brenhilda commença alors à s’inquiéter comment ils pourraient trouver leur chemin pour se rendre en présence de l’empereur.

Cet embarras ne dura pas long-temps, car un léger coup frappé à la porte annonça Agelastès, auquel avait été confié le soin d’introduire les nobles étrangers, comme étant le plus au fait des manières des Francs. Un son éloigné, semblable au rugissement d’un lion, et ressemblant aussi assez au bruit d’un gong[1], annonça le commencement du cérémonial. Les esclaves noirs, qui, comme on l’a observé, étaient en petit nombre, se tenaient rangés dans leur costume d’apparat blanc et or, portant d’une main un cimeterre nu, et dans l’autre une torche de cire blanche, dont la clarté servait à guider le comte et la comtesse à travers les passages qui conduisaient à l’intérieur du palais et à la salle de réception la plus reculée.

La porte de ce sanctum sanctorum était plus basse que de coutume, stratagème assez simple conçu par quelque ingénieux officier de la maison de l’empereur pour forcer le gigantesque Franc à s’incliner en arrivant en présence de l’empereur. Robert, lorsque la porte s’ouvrit toute grande, aperçut l’empereur assis sur son trône au milieu d’une lumière éblouissante réfractée et réfléchie dans dix mille directions par les pierreries dont ses vêtements étaient couverts ; il s’arrêta court et demanda pour quelle raison on l’introduisait par une porte aussi basse. Agelastès désigna un esclave pour se débarrasser d’une question à laquelle il n’aurait pu répondre. Le muet, pour s’excuser de son silence, ouvrit la boucha et indiqua la perte de sa langue.

« Sainte Vierge ! s’écria la comtesse, que peuvent avoir fait ces infortunés Africains pour mériter un sort si cruel ? — L’heure de la rétribution est peut-être venue, » répondit le comte d’un air de mauvaise humeur ; tandis qu’Agelastès, avec autant de précipita-

  1. Espèce de tamtam, plaque d’airain sur laquelle on frappe avec un marteau.