Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/186

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pereur et d’insulter à sa dignité. Séduit par les adroites flatteries que le philosophe avait apprises dans les écoles, et dont la belle princesse avait été douée par la nature, il accepta la proposition de l’impératrice, d’autant plus volontiers peut-être que l’obscurité ne lui permit pas d’apercevoir qu’il y avait une teinte de mécontentement sur le front de Brenhilda. Quelle que fût la cause de ce mécontentement, elle ne jugea point à propos de l’exprimer ; le couple venait d’entrer dans ce labyrinthe de passages à travers lesquels Hereward avait déjà erré, lorsqu’un chambellan et une des femmes des princesses, richement vêtus, s’agenouillèrent devant les époux, et s’offrirent à les conduire dans un lieu convenable afin de rajuster leur toilette avant d’entrer dans le cercle impérial… Brenhilda jeta un coup d’œil sur ses armes teintes du sang d’un Scythe insolent, et, tout amazone qu’elle était, se sentit honteuse d’être vêtue avec négligence et d’une manière peu convenable. L’armure du chevalier était aussi tachée de sang et en désordre.

« Dites à Agathe, la jeune fille qui me sert d’écuyer, de venir aider à ma toilette, dit la comtesse ; elle seule a l’habitude de me désarmer et de m’habiller. — Dieu soit loué ! pensa la dame d’atours, je ne serai point appelée à faire une toilette où des marteaux et des pinces de forgeron sont probablement les instruments les plus nécessaires ! — Dites à Marcien, mon armurier, dit le comte, de se rendre près de moi avec l’armure complète, bleu et argent, que j’ai gagnée au comte de Toulouse. — Ne pourrais-je avoir l’honneur de vous ajuster votre armure ? » demanda un courtisan vêtu avec faste, et portant quelques marques des fonctions d’écuyer-armurier ; « c’est moi qui attache l’armure de l’empereur lui-même… que son nom soit sacré ! — Et combien de rivets as-tu serrés dans cette occasion avec cette main qui semble n’avoir jamais été lavée qu’avec du lait de roses… et avec ce joujou d’enfant, » dit le comte en saisissant une des mains de l’écuyer, et indiquant un marteau à manche d’ivoire et à tête d’argent, que cet officier portait suspendu à un tablier de cabron plus blanc que le lait. L’armurier recula en arrière un peu confus. « La main de ce Franc, » dit-il à un autre officier de la maison impériale, « est comme la vis d’un étau !»

Tandis que cette petite scène se passait en particulier, l’impératrice Irène, sa fille et son gendre avaient laissé leurs hôtes, sous prétexte de faire les changements nécessaires à leur toilette. Aussitôt après, Agelastès fut mandé près de l’empereur, et les étrangers furent conduits dans deux appartements adjacents, meublés avec