Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/180

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que comme innocentes et dignes d’éloges. Je suppose donc que vos expressions ne contenaient rien de mal ni de blâmable. Vous êtes, d’après ce que j’ai compris, une de ces personnes qui, comme notre digne hôte, rapportent dans leurs compositions l’histoire et les prouesses des temps belliqueux dans lesquels elles vivent, et donneront connaissance à la postérité des hauts faits d’armes qui se sont passés de nos jours. Je respecte la tâche à laquelle vous vous êtes consacrée, et ne vois point comment une dame pourrait mieux mériter l’admiration des siècles à venir, à moins que, comme ma femme Brenhilda, elle ne fût elle-même l’héroïne des hauts faits qu’elle rapporterait. Et à propos de la comtesse, il me semble qu’elle regarde maintenant son voisin, à table, comme si elle était sur le point de se lever et de le quitter. Ses désirs la portent vers Constantinople, et, avec la permission de Votre Seigneurie, je ne puis l’y laisser aller seule. — C’est ce que vous ne ferez ni l’un ni l’autre, dit Anne Comnène, puisque nous nous rendons tous à l’instant dans la capitale, dans le dessein de voir ces merveilles de la nature, dont de nombreux modèles ont été rassemblés par la magnificence de l’empereur notre père… Si mon époux parait avoir offensé la comtesse, ne pensez point que ce soit avec intention ; vous vous apercevrez facilement, quand vous le connaîtrez davantage, que c’est une de ces personnes simples qui s’acquittent si malheureusement d’une politesse, que celui à qui elle est adressée la prend souvent dans un tout autre sens. »

La comtesse de Paris, toutefois, refusa de nouveau de se rasseoir à la table, de sorte qu’Agelastès et ses hôtes impériaux se virent dans la nécessité, ou de permettre aux étrangers de les quitter, ce que la famille d’Alexis voulait éviter, ou de les retenir par force, moyen qui ne semblait ni sûr ni agréable ; ou enfin, de mettre l’étiquette de côté et de partir avec eux. Pour ménager la dignité impériale, les convives grecs feignirent de prendre l’initiative, quoique le départ eût lieu sur la motion des hôtes étrangers. Il en résulta beaucoup de désordre, de tumulte, de disputes et de cris parmi les troupes et les officiers, qui étaient ainsi dérangés de leur repas au moins deux heures plus tôt qu’on l’avait jamais vu, au souvenir des plus anciens d’entre eux. D’un consentement mutuel la famille impériale fit aussi de nouvelles dispositions.

Nicéphore Brienne monta sur le siège porté par l’éléphant, et s’y plaça près de son auguste belle-mère. Agelastès, sur un palefroi, assez doux pour lui permettre de prolonger à volonté ses haran-