Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/162

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refuser cette marque de munificence ; un besan de votre digne main ou de celle de votre magnanime épouse serait à mes yeux centuplé en valeur par l’éminence des personnes dont il viendrait. Je le suspendrais à mon cou par un collier de perles, et quand je me trouverais devant des chevaliers et des dames, je proclamerais que cette addition aux nombreuses marques de distinction que je possédais déjà m’a été accordée par le célèbre comte Robert de Paris et son épouse sans égale. » Le chevalier et la comtesse se regardèrent, et Brenhilda, ôtant de son doigt un anneau d’or, pria le vieillard de l’accepter, comme preuve de son estime et de celle de son mari. « Ce sera à une condition, dit le philosophe, et j’espère qu’elle ne vous sera pas tout-à-fait désagréable. J’ai, sur une des plus jolies routes qui mènent à la ville, un petit kiosque ou ermitage où je reçois parfois mes amis, et j’ose dire qu’ils sont tous au nombre des personnes les plus respectables de cet empire. Deux ou trois d’entre eux honoreront probablement ma demeure aujourd’hui, et partageront les rafraîchissements que j’ai pu y préparer. Si je pouvais y joindre la compagnie des nobles comte et comtesse de Paris, je regarderais ma pauvre habitation comme à jamais honorée. — Qu’en dis-tu, ma noble amie ? demanda le comte. La compagnie d’un ménestrel convient à la plus haute naissance, honore le plus haut rang et ajoute aux plus fameux exploits ; cette invitation nous fait trop d’honneur pour être refusée. — Il se fait tard, répondit la comtesse ; mais nous ne sommes pas venus ici pour avoir peur d’un soleil couchant ou d’un ciel obscur. D’ailleurs, c’est mon devoir comme mon plaisir d’accéder autant que possible à toutes les volontés du bon père, afin qu’il m’excuse de ce que je vous ai empêché de suivre son conseil. — Le chemin est si court, dit Agelastès, que nous ferions mieux de continuer à marcher à pied, si madame pouvait se passer de l’assistance d’un cheval. — Point de cheval pour moi ! s’écria la dame Brenhilda. Ma suivante Agathe porte tout ce qui peut m’être nécessaire ; et quant au reste, jamais chevalier ne voyagea si peu embarrassé de bagage que mon époux. »

Agelastès leur montra donc le chemin à travers le bois obscur, rafraîchi par la brise agréable du soir, et ses hôtes le suivirent.