Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/160

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tion et l’honneur sont aussi chers à ton mari qu’ils le furent jamais à chevalier qui ceignit l’épée. Tu as peut-être fait pour moi, je puis le dire, ce que j’aurais vainement demandé à d’autres dames de ta condition, et par conséquent, tu dois t’attendre à pouvoir émettre un avis dans de tels points de délibération… Pourquoi es-tu à cette heure sur les côtes d’une contrée étrangère et malsaine, et non sur les rives de la Seine ?… Pourquoi portes-tu des vêtements si peu ordinaires à ton sexe ?… Pourquoi cherches-tu la mort, et la regardes-tu comme rien en comparaison de la honte ?… Pourquoi ? si ce n’est pour que le comte de Paris ait une épouse digne de lui ? Crois-tu que cette affection soit vaine ? Non, par les saints ! ton chevalier y répond comme il le doit, et te sacrifie toute pensée que ton affection pourrait ne pas approuver entièrement ! »

La pauvre Brenhilda, agitée par une foule d’émotions différentes, chercha vainement à conserver le maintien héroïque que son caractère d’amazone exigeait d’elle. Elle tâcha de prendre l’air fier et noble qui lui était particulier ; mais ne pouvant y réussir, elle se jeta sur la poitrine du comte, lui passa ses bras autour du cou, et pleura comme une jeune villageoise dont l’amant est contraint de partir pour la guerre. Son mari, un peu honteux, mais profondément ému par cet élan d’affection dans une femme dont le caractère ne semblait pas susceptible de semblables émotions, fut en même temps fier et charmé d’avoir éveillé une tendresse si vive et si douce dans une âme si grande et si inflexible.

« Ne fais pas cela, ma Brenhilda, dit-il ; je ne voudrais te voir ainsi ni pour toi ni pour moi. Ne laisse pas supposer à ce sage vieillard que ton cœur est fait de ce métal malléable qui forme celui des autres femmes ; et fais-lui tes excuses, aussi bien que ta dignité le comporte, de m’avoir empêché d’entreprendre l’aventure de Zulichium qu’il me conseillait. »

Il ne fut pas facile à Brenhilda de reprendre son calme ordinaire, après avoir donné un si notable exemple de la manière dont la nature revendique ses droits, quelle que soit la rigueur avec laquelle on la tyrannise. Avec un regard d’affection ineffable, elle se détacha de son mari, qui lui tenait encore la main, et se tournant vers le vieillard avec un visage où les pleurs à demi essuyés avaient été remplacés par un sourire plein de grâce et de modestie, elle adressa la parole à Agelastès comme à un homme qu’elle respectait, et envers qui elle avait quelque offense à réparer. « Mon père, lui dit-elle respectueusement, ne m’en voulez pas si j’ai empêché un des