Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/152

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est libéral envers les autres qui sont dans le besoin. Le son lointain de la musique guerrière égayait encore leur chemin, et, en retenant le peuple sur la grande route, empêchait que les étrangers ne fussent incommodés par des compagnons de voyage.

Satisfaits d’échapper ainsi à la chaleur du jour, et admirant les divers genres d’architecture, les détails du paysage, nouveaux à leurs yeux, et les tableaux de mœurs que leur offraient de temps à autre les gens du pays qu’ils rencontraient, ils cheminaient tranquillement et à leur aise. Un homme attira particulièrement l’attention de la comtesse Brenhilda. C’était un vieillard d’une grande taille, et qui paraissait si profondément occupé du rouleau de parchemin qu’il tenait à la main, qu’il ne faisait aucune attention aux objets dont il était entouré. De profondes pensées semblaient régner sur son front, et dans son œil brillait ce regard perçant qui semble fait pour découvrir et séparer dans les discussions humaines le côté grave du côté frivole, afin de s’occuper exclusivement de ce qui seul mérite l’attention du sage. Levant lentement les yeux de dessus le parchemin sur lequel il les tenait fixés, le regard d’Agelastès… car c’était lui-même… rencontra ceux du comte Robert et de son épouse ; et leur adressant la parole avec la formule amicale de mes enfans, il leur demanda s’ils avaient perdu leur route, et s’il y avait quelque chose en quoi il pût leur faire plaisir.

« Nous sommes des étrangers, mon père, répondirent-ils, venus d’un pays lointain et faisant partie de l’armée qui a passé ici en pèlerinage ; le motif qui nous a amenés est, nous aimons à le croire, commun à toute l’armée. Nous désirons nous acquitter de nos dévotions là où la grande rançon a été payée pour nous, et affranchir par nos bonnes épées la Palestine esclave de l’usurpation et de la tyrannie des infidèles. Quand nous vous parlons ainsi, nous vous disons le plus haut motif de notre entreprise : cependant Robert de Paris et son épouse ne mettraient pas volontiers le pied dans une contrée qui ne devrait pas retentir du bruit de leur renommée ; ils n’ont pas été habitués à marcher en silence sur la face de la terre, et ils achèteraient une vie éternelle de renommée, fut-ce au prix de leur existence mortelle. — Vous brûlez donc d’acquérir de la gloire au péril même de vos jours, dit Agelastès, sans songer que peut-être vous rencontrerez la mort en gravissant l’échelle par laquelle vous espérez l’atteindre ? — Assurément, répondit le comte ; et il n’y a personne qui porte le baudrier d’un chevalier sans éprouver un tel désir. — Et, si je ne me trompe, votre épouse partage ces