Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ments de musique se mêlaient au bruit des rames qui commençaient à frapper l’eau.

Tandis que telles étaient les dispositions des croisés, l’empereur grec faisait tous ses efforts pour imprimer à la multitude armée la plus haute idée de sa propre grandeur et de l’importance du motif qui les avait tous réunis. Les principaux chefs s’y prêtèrent aisément ; les uns, parce que leur cupidité avait été satisfaite ; les autres, parce que leur ambition avait été enflammée, et peu, très peu, parce que rester en paix avec Alexis était le moyen le plus probable d’amener leur expédition à bonne fin. En conséquence les grands seigneurs se soumirent à un acte d’humilité qui peut-être n’était guère de leur goût, et s’abstinrent soigneusement de tout ce qui aurait pu, dans cette fête solennelle, offenser personne ; mais il y en eut beaucoup dont les dispositions furent moins pacifiques.

Dans le grand nombre de comtes, de seigneurs et de chevaliers, sous les différentes bannières desquels les croisés avaient été conduits jusqu’aux murs de Constantinople, beaucoup étaient trop insignifiants pour qu’on jugeât nécessaire d’acheter leur bonne volonté pour cet acte de soumission ; et ceux-ci, quoique jugeant dangereux de s’y refuser, mêlèrent aux termes de leur prestation d’hommage des bravades, des sarcasmes et de telles contraventions aux lois de la bienséance, qu’il était patent que cette démarche ne leur inspirait que ressentiment et mépris. C’était, suivant eux, se déclarer vassaux d’un prince hérétique, limité dans l’exercice de son pouvoir si vanté, leur ennemi quand il osait l’être, et l’ami de ceux-là seulement qui lui semblaient à craindre.

Les nobles, qui étaient Francs d’origine, se faisaient principalement remarquer par leur dédain présomptueux pour toutes les autres nations qui avaient pris part à la croisade, aussi bien que pour leur valeur intrépide et pour le mépris qu’ils laissaient voir à l’égard de la puissance et de l’autorité de l’empire grec. On disait en proverbe parmi eux, que « si le ciel tombait, les croisés francs seraient seuls en état de le soutenir avec leurs lances. » La même fierté et la même arrogance se manifestaient de temps à autre par des querelles avec leurs hôtes involontaires ; et les Grecs, malgré tous leurs artifices, se trouvaient souvent avoir le dessous ; de sorte que Alexis était déterminé à se débarrasser à tout prix de ces alliés hautains et intraitables, en leur faisant traverser le Bosphore avec autant de diligence que possible. Afin d’y mieux réussir, il profita de la présence du comte de Vermandois, de celle de Godefroy de