Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/128

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demande. Ne pense pas, quoique je te demande en grâce ton amitié, que j’aie besoin de toi pour obtenir des renseignements, soit sur ta personne, soit sur les autres. — Tes discours m’étonnent, mais j’ai appris que plusieurs âmes ont été détournées du sentier du ciel par des paroles semblables. Mon grand-père Kenelm avait coutume de dire que les belles paroles de la philosophie des païens nuisaient plus à la foi chrétienne que les menaces des tyrans païens. — Je le connaissais : qu’importe que ce fût en corps ou en esprit ? Il fut converti de la foi de Woden au christianisme par un noble moine, et mourut prêtre à l’autel de Saint-Augustin. — C’est vrai : tout cela est très certain… je n’en suis que plus tenu à me rappeler ses paroles, maintenant qu’il est dans un autre monde. Lorsque je comprenais encore à peine ce qu’il voulait dire, il me recommanda de me méfier de la doctrine qui nous jette dans l’erreur, et qu’enseignent de faux prophètes en l’accréditant par de faux miracles. — Ceci n’est que de la superstition. Ton grand père était un bon et excellent homme, mais il avait l’esprit étroit comme les autres prêtres, et, trompé par leur exemple, il ne voulait ouvrir qu’un petit guichet dans la grande porte de la vérité, et n’y admettre le monde que par cette ouverture étroite. Vois-tu, Hereward, ton grand-père et d’autres ecclésiastiques auraient voulu rapetisser notre intelligence à la considération seule des parties du monde immatériel, essentielles pour notre direction morale ici-bas, et notre salut à venir ; mais il n’en est pas moins vrai que l’homme a la liberté, pourvu qu’il ait de la sagesse et du courage, d’entrer en relation avec des êtres plus puissants que lui, qui peuvent défier les bornes de l’espace dans lesquelles il est circonscrit, et surmonter par leur puissance métaphysique des difficultés que les timides et les ignorants peuvent regarder comme extravagant et impossible de chercher à vaincre. — Vous parlez d’une folie que l’enfance écoute bouche béante, et l’âge mûr en souriant de pitié. — Au contraire, dit le sage, je parle du désir ardent que chaque homme ressent au fond de son cœur d’entrer en communication avec des êtres plus puissants que lui, et qui ne sont pas naturellement accessibles à nos organes. Crois-moi, Hereward, nous ne porterions pas en nous-mêmes un besoin si vif et si universel, s’il n’eût existé un moyen de le satisfaire, et si ce moyen n’eût pu se découvrir à force de sagesse et d’études. J’en appellerai à ton propre cœur, et je te prouverai par un seul mot, que ce que je te dis est la vérité. Tes pensées sont, en ce moment même, fixées sur un être mort ou absent depuis