Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/119

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paratifs nécessaires pour la campagne. Le contentement et la joie dominaient dans tout ce tumulte et ces cris ; et le fracas était si général, qu’Hereward, à qui son grade permettait de confier à un page ou écuyer le soin de préparer son équipement, saisit cette occasion de quitter la caserne pour chercher quelque lieu éloigné, où, séparé de ses camarades, il pût réfléchir sur la singulière conjoncture dans laquelle il avait été placé, et sur son entrevue avec la famille impériale.

Traversant les rues étroites, en ce moment désertes à cause de la chaleur, il atteignit enfin une de ces vastes terrasses qui, formant comme les larges degrés d’une rampe, descendaient sur le rivage du Bosphore, offrant une des plus magnifiques promenades de l’univers ; nous pensons que ces terrasses existent encore de nos jours, et que les Turcs viennent s’y délasser comme le faisaient autrefois les chrétiens. Les gradins étaient couverts d’arbres parmi lesquels les cyprès se distinguaient plus généralement. Il y avait là des réunions d’habitants : les uns allant et venant avec un visage affairé et soucieux, les autres s’arrêtant en groupes, comme s’ils eussent discuté l’étrange et importante nouvelle du jour ; d’autres enfin, avec l’indolente insouciance d’un climat brûlant, prenant à l’ombre leurs rafraîchissements, et passant le temps comme si leur objet eût été de profiter de la journée qui leur était offerte, et d’abandonner à eux-mêmes les soucis du lendemain.

Tandis que le Varangien, craignant de rencontrer dans ce concours de monde quelques personnes de connaissance qui eussent contrarié son désir d’être seul, descendait d’une terrasse à l’autre, chacun le considérait avec un œil curieux et interrogateur, comme un homme qui, par sa profession et ses relations avec la cour, devait nécessairement en savoir plus long que les autres au sujet de cette singulière invasion par de nombreux ennemis venus de divers pays. Nul cependant n’eut le courage de s’adresser au soldat des gardes, quoique tous le regardassent avec un intérêt extraordinaire. Il passa des allées les mieux éclairées dans les allées les plus sombres, des terrasses les plus fréquentées dans les terrasses les plus solitaires, sans être dérangé par personne ; il sentait cependant qu’il ne devait pas se considérer comme seul.

Le désir qu’il avait de se trouver dans la solitude le rendit un peu attentif à ce qui se passait autour de lui, et il s’aperçut qu’il était suivi par un esclave noir, personnage que l’on rencontrait trop fréquemment dans les rues de Constantinople, pour qu’il excitât un