Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/114

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« Par la confiance que Votre Altesse place en moi, dit le logothète, il a été tiré des coffres de Votre Altesse, dans le cours de l’année dernière, assez d’or pour payer un nombre de guerriers armés double de celui que le grand domestique vient de mentionner. — Votre Altesse impériale, » répliqua le ministre accusé, avec une forte dose de chaleur, « se rappellera aisément que les garnisons sédentaires doivent être ajoutées aux troupes mobiles, desquelles ce griffonneur de chiffres ne tient aucun compte. — Paix, tous les deux ! » dit Alexis en reprenant son sang-froid. « Le nombre réel de nos troupes est, à dire le vrai, moindre que nous ne le pensions ; mais n’allons pas, en nous querellant, augmenter les difficultés de notre position. Dispersez ces troupes entre cette ville et la frontière occidentale de l’empire, dans les vallées, dans les défilés, derrière des chaînes de montagnes, et dans des terrains difficiles, où un peu d’art peut faire que peu d’hommes offrent l’apparence d’une grande quantité. Pendant qu’on fera ces dispositions, nous continuerons à traiter avec ces croisés, comme ils s’appellent, des conditions auxquelles nous consentirons à les laisser passer par nos États ; et nous ne sommes pas sans espoir de négocier de manière à gagner de grands avantages pour notre royaume. Nous insisterons pour qu’ils ne traversent nos provinces que par cinquante mille hommes, que nous transporterons successivement en Asie, de sorte qu’un trop grand nombre ne mettra jamais en danger, en s’assemblant sous nos murs, la sûreté de la métropole du monde.

« Dans leur marche vers les rives du Bosphore, nous leur fournirons des provisions, s’ils s’avancent paisiblement et avec ordre ; et si quelques uns s’écartent de leurs étendards, ou insultent le pays par leur maraudage, nous supposons que nos valeureux paysans n’hésiteront pas à réprimer leurs excès, et cela, sans que nous donnions d’ordres positifs, car nous ne nous mettrions pas volontiers dans le cas d’être accusé de manquer à nos engagements. Nous supposons aussi que les Scythes, les Arabes, les Syriens, et les autres troupes mercenaires à notre service, ne souffriront pas que nos sujets succombent dans une juste défense. Et comme il n’y aurait pas de justice à affamer notre propre pays pour nourrir des étrangers, nous ne serons jamais surpris ni irrité d’apprendre que, dans une certaine quantité de farine, il se trouve quelques sacs remplis de craie ou de chaux, ou autre substance semblable. En effet, il est impossible de se figurer ce que l’estomac d’un Franc peut digérer