Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autorité est un fardeau qu’un âne porte mieux qu’un cheval fringant ; elle ne servirait qu’à embarrasser les mouvements de jeunes gaillards tels que nous. — Je souhaiterais bien vous voir porter un peu de ce poids, digne maître Proudfute, répliqua Henri Gow ; ne fût-ce que pour vous affermir en selle ; car vous sautez comme si vous dansiez une gigue sur votre cheval, sans vous aider de vos jambes. — Oui, oui, je me lève sur mes étriers pour éviter les cahots. Elle est terriblement dure cette mienne jument ; mais elle m’a porté à travers plaines et forêts, elle m’a sauvé de certains pas assez périlleux. Aussi Jézabel et moi nous ne nous séparons point. Je l’appelle Jézabel du nom de la princesse de Castille. — Vous voulez dire Isabelle, je suppose, répliqua Henri. — Oui, Isabelle ou Jézabel, c’est la même chose, vous savez. Mais voici enfin le bailli Craigdallie avec cette pauvre, cette rampante, cette lâche créature, l’apothicaire Dwining. Ils ont amené deux officiers de ville avec leur escorte, pour garder leurs augustes personnes. S’il est une chose que je haïsse au monde, c’est un ignoble valet comme Dwining ! — Prenez garde qu’il n’entende ce que vous dites, reprit Henri. Je vous dis, bonnetier, qu’il y a plus à craindre de ce frêle et mince cadavre que de vingt lurons vigoureux comme vous. — Bah ! Smith le pourfendeur, vous voulez vous rire de moi, » dit Olivier, en baissant la voix pourtant, et lançant un coup d’œil vers l’apothicaire, comme pour découvrir dans quelle partie de ce corps chétif, dans quel trait de cette maigre figure gisait l’apparence du péril ; et rassuré par cet examen, il reprit hardiment : « Lames et boucliers, l’ami ! je combattrais de grand cœur une douzaine de gaillards comme Dwining ; que pourrait-il faire à quiconque aurait du sang dans les veines ? — Il pourrait lui administrer une dose de médecine, » répondit l’armurier d’un ton bref.

Ils n’eurent pas le temps de causer davantage ; car le bailli Craigdallie leur cria de prendre la route de Kinfauns, et lui-même en donna l’exemple. Pendant qu’ils avançaient au petit pas, la conversation tomba sur la réception qu’ils pouvaient attendre de leur prévôt, et sur l’intérêt qu’il prendrait à l’agression dont ils venaient se plaindre. Le gantier surtout était découragé, et il parla plus d’une fois d’une manière qui témoignait qu’il eût désiré, même alors, voir abandonner cette affaire. Toutefois il ne s’expliquait pas fort ouvertement, craignant peut-être qu’en le voyant hésiter on n’en tirât quelque conclusion peu honorable pour sa