Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/89

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lui résister, quand, d’après sa façon ordinaire de combattre, il s’élançait à bord à la tête de ses hommes.

Wallace souriait d’un air sombre pendant que le capitaine, la terreur sur le visage et les larmes aux yeux, lui expliquait combien il était certain qu’ils allaient tomber au pouvoir du Corsaire Rouge, nom donné à de Longueville, parce qu’il voguait d’ordinaire sous un pavillon rouge de sang ; pavillon qu’il venait d’arborer dans le moment même.

« Je débarrasserai les détroits de ce pirate, dit Wallace. »

Alors réunissant dix à douze de ses gens, Boyd, Kerlie, Seton et autres, pour qui la poussière du combat le plus désespéré était comme le souffle de la vie, il leur commanda de s’armer et de se coucher à plat sur le tillac, de manière à ne pas être aperçus. Il ordonna à tous les matelots de se retirer, hormis ceux qui étaient absolument nécessaires pour diriger le vaisseau ; puis il enjoignit au capitaine, sous peine de mort, de manœuvrer de façon que, tout en paraissant essayer de fuir, il permît en effet au Corsaire Rouge de les aborder et de combattre. Wallace s’étendit lui-même sur le tillac, afin qu’on ne pût deviner le moindre projet de résistance. Au bout d’un quart d’heure le vaisseau de Longueville atteignit celui du champion, et le Corsaire Rouge, lançant des griffes de fer pour s’assurer de sa prise, s’élança sur le tillac armé de toutes pièces et suivi de son équipage, qui poussa un cri terrible, comme si la victoire était déjà remportée. Mais les Écossais armés se levèrent incontinent, et le Corsaire Rouge se trouva assailli à l’improviste par des hommes qui se regardaient comme sûrs de la victoire quand ils n’avaient à combattre que deux ou trois ennemis chacun. Wallace lui-même se jeta sur le capitaine pirate, et une lutte horrible s’engagea entre eux avec tant de furie, que les autres suspendirent leur combat pour les regarder, et semblèrent d’un commun accord remettre le sort de l’engagement général à l’issue du combat particulier des deux chefs. Le pirate se battait aussi bien que peut se battre un homme ; mais la vigueur de Wallace dépassait celle des mortels ordinaires. Il brisa l’épée du corsaire et le mit dans un tel péril que, pour échapper à une mort certaine, il fut obligé de se prendre corps à corps avec le champion de l’Écosse, dans l’espérance de le vaincre à la lutte ; mais il ne réussit pas davantage : ils tombèrent sur le tillac, entrelacés dans les bras l’un de l’autre ; mais le Français se trouva dessous ; et Wallace le saisissant par son hausse-col, le serra si