Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/74

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l’expérience m’a appris à mettre des gantelets d’acier à des chevaliers armés de pied en cap, plutôt que des gants brodés à de jeunes filles. — Alors je ne vous en donnerai pas la peine, et Dorothée m’aidera… quoique je n’aie pas besoin d’aide… les yeux et les doigts de mon père sont fidèles dans les ouvrages de sa profession ; l’ouvrage qui passe par ses mains reproduit toujours fidèlement la mesure. — Laissez-moi m’en convaincre, laissez-moi voir comme ces gants si fins recouvrent bien les mains pour lesquelles ils ont été faits. — À un autre moment, bon Henri, je porterai les gants en l’honneur de saint Valentin, et du cavalier qu’il m’a envoyé. Plût au ciel que je pusse de même contenter mon père pour des affaires plus importantes !… À cette heure le parfum de la peau augmenterait le mal de tête que j’ai depuis le matin. — Mal de tête, chère Catherine ? demanda son amant. — Si vous disiez mal de l’âme, vous seriez aussi dans le vrai, » répondit Catherine avec un soupir, et elle continua sur un ton très-sérieux. « Henri, je vais peut-être me montrer aussi hardie que je vous ai déjà donné sujet de me croire. Car je veux vous parler la première d’un sujet sur lequel je devrais attendre que j’aie à vous répondre ; mais je ne puis. Après ce qui est arrivé ce matin, différer davantage à vous expliquer mes sentiments pour vous, sans m’exposer à être bien mal comprise… Oh ! ne répondez pas avant de m’avoir entendue tout au long… Vous êtes brave, Henri, plus que personne, honnête et sûr comme l’acier que vous travaillez… — Arrêtez… arrêtez, Catherine, par pitié ! Vous n’avez jamais dit tant de bien de moi que pour amener quelque censure dont vos louanges étaient les avant-coureurs. Je suis honnête, allez-vous dire, ou quelque chose de semblable, mais un querelleur déterminé, un spadassin, un ferrailleur. — Ce serait faire injure à moi autant qu’à vous, que de vous appeler ainsi. Non, Henri, ce n’est pas à un ferrailleur, eût-il porté un panache sur son casque et des éperons d’or à ses talons, que Catherine Glover aurait accordé la petite faveur qu’elle vous a volontairement faite aujourd’hui. Si j’ai parfois censuré la facilité de votre esprit à s’irriter, et de votre main à combattre, c’est parce que j’aurais voulu que vous haïssiez vous-même les péchés de vanité et de colère auxquels vous succombez si aisément. J’ai parlé sur ce sujet plus pour alarmer votre conscience, que pour exprimer mon opinion. Je sais, comme mon père, qu’en ces temps pervers et corrompus, les coutumes de notre nation, et