Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’occuperai d’eux, Je t’abandonnerai à la correction de mon apprenti, le petit Jan-Kin. »

Ici Catherine intervint. « Paix ! dit-elle, mon fidèle Valentin, j’ai droit de vous commander ; paix ! vous aussi, Conachar, qui devez m’obéir comme à la fille de votre maître ; c’est mal faire que d’éveiller le matin une dispute qui a dormi toute la nuit. — Adieu donc, maître, » dit Conachar après avoir lancé au forgeron un nouveau regard de mépris, Smith se contenta d’y répondre par un sourire ; « adieu, et je vous remercie de vos bontés qui ont été plus grandes que je ne le méritais. Si j’ai parfois paru moins que reconnaissant, ç’a été la faute des circonstances et non de ma volonté, Catherine… » Il jeta sur la jeune fille un regard où se peignait la plus vive émotion, et qui cachait des sentiments bien différents. Il hésita comme s’il voulait parler, puis enfin se détourna en laissant échapper le seul mot adieu. Cinq minutes après, les brodequins de montagnard aux pieds, et un petit paquet à la main, il passa sous la Porte-Nord de Perth, et dirigea sa course vers les montagnes.

« Il vient de sortir d’ici assez de gueuserie et d’orgueil pour tout un clan de montagnards, dit Henri. Il parle avec autant d’indifférence de pièces d’or que je parlerais de sous d’argent ; et cependant je parierais que le pouce du gant tricoté de sa mère contiendrait le trésor de tout le clan. — Cela n’est pas impossible, » dit le gantier en riant de cette singulière idée ; « sa mère était une femme qui avait de fameux os, surtout aux doigts et aux poignets. — Quant à leurs troupeaux, continua Henri, je compte que son père et ses frères volent mouton par mouton. — Moins nous parlerons d’eux, mieux cela vaudra, » dit le gantier redevenant grave. « Des frères, il n’en a pas ; son père est un homme puissant… il a les mains longues… il les avance aussi loin qu’il peut, et il entend beaucoup trop bien pour qu’il soit nécessaire de parler de lui. — Et pourtant il a donné son seul fils comme apprenti à un gantier de Perth ? dit Henri. Ma foi, j’aurais cru que le joli métier de saint Crépin lui aurait mieux convenu ; et peut-être si le fils de quelque grand Mac ou O’[1] devait devenir artisan, ce serait seulement dans la profession où des princes lui ont donné l’exemple. »

Cette remarque, quoique ironique, parut réveiller chez notre ami Simon le sentiment de la dignité de son état, qui

  1. Mac mot écossais, signifie fils de ; O’ signifie la même chose en irlandais.