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CHAPITRE V.

LE BAISER.


Levez-vous, belle dame ; tressez votre chevelure, et montrez-vous au grand air. Levez-vous ! quittez votre appartement, l’heure s’avance, il y a long-temps que les corbeaux ont croassé autour du donjon.
Joanna Baillie.


Arrachée du sommeil par le bruit du combat, la Jolie Fille de Perth avait écouté avec terreur, et sans oser presque respirer, le tapage et les cris d’alarme qui partaient de la rue. Elle était tombée à genoux pour implorer l’assistance du ciel ; et quand elle distingua les voix des voisins et des amis rassemblés pour la défendre, elle resta dans la même attitude pour rendre grâces à Dieu. Elle était encore agenouillée, lorsque son père poussa leur défenseur, Henri Smith, dans l’appartement ; car le timide amant était d’abord resté en arrière, par crainte de l’offenser, et par respect pour sa dévotion.

« Père, dit l’armurier, elle prie ; je n’ose pas plus lui parler qu’à un évêque quand il dit sa messe. — Fais comme il te plaira, vaillant et courageux enfant, » répliqua Glover ; et puis, s’adressant à sa fille, il ajouta : « Le meilleur remercîment qu’on puisse adresser au ciel, ma fille, c’est la reconnaissance envers nos semblables. Voici l’instrument par lequel Dieu t’a sauvée de la mort, et peut-être du déshonneur, pire que la mort ; reçois-le, Catherine, comme ton frère Valentin, comme celui que je désire voir mon fils bien-aimé. — Pas dans ce moment, mon père, répondit Catherine ; je ne puis voir, ne puis parler à personne maintenant. Je ne suis pas ingrate, peut-être ne suis-je que trop reconnaissante envers l’instrument de notre salut ; mais laissez-moi rendre grâces au saint patron qui m’a envoyé si à propos du secours, et donnez-moi un moment pour m’habiller. — Ah ! merci de Dieu ! jeune fille, il serait dur de te refuser le temps d’arranger tes cotillons, lorsque cette demande est la seule phrase de femme que tu aies prononcée depuis ces dix jours. Vraiment, fils Henri, je voudrais que ma fille attendît, pour se faire tout à fait sainte, le jour où elle sera canonisée sous le nom de sainte Catherine deux. — N’en plaisantez pas, bon père ; car je jure qu’elle a déjà au moins un sincère adorateur qui s’est dévoué à son bon plaisir.