Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

influence sur tous ceux qui l’approchent ; ce jeune montagnard Conachar, qui me trouble la tête depuis deux ou trois ans, quoique tu puisses voir qu’il a tout l’esprit de ses compatriotes, obéit au moindre signe que lui fait Catherine, et il n’y a guère qu’elle pour lui commander dans la maison. Elle se donne beaucoup de peine pour le guérir de ses sauvages habitudes de montagnard. »

Ici Henri Smith s’agita sur sa chaise, prit la bouteille, la replaça, et enfin s’écria : « Le diable emporte ce jeune chien de montagnard et tous ses proches ! à quoi Catherine songe-t-elle donc pour instruire un drôle tel que lui ? Il fera comme le louveteau à qui j’avais eu la sottise de donner l’éducation d’un chien : tout le monde le croyait apprivoisé, jusqu’au jour où j’allai par malheur me promener sur la montagne de Monterief ; là il s’élança sur les moutons du laird, dont il fit un horrible carnage qui m’eût coûté cher si le laird n’avait pas alors eu besoin d’une armure. Et je m’étonne que vous, homme de bon sens, père Simon, vous laissiez ce jeune drôle de montagnard… c’est un beau garçon, je vous assure… si près de Catherine, comme s’il n’y avait que votre fille pour lui servir de maîtresse d’école.

« Fi ! mon fils, fi donc !… À présent te voilà jaloux d’un pauvre jeune homme qui, pour te dire la vérité, n’est ici que parce qu’il se trouve moins bien de l’autre côté de la montagne. — Oui, oui, père Simon, » répliqua le forgeron qui avait toutes les idées étroites du bourgeois de son temps, « si je ne craignais de vous offenser, je dirais que vous laissez prendre trop de liberté à ces polissons de montagnards. — Il faut que j’achète quelque part mes cuirs de daim, mes peaux de chevreau, mon bon Henri, et les montagnards les donnent à bon marché. — La chose leur est possible, » repartit sèchement Henri ; « car ils ne vendent rien qu’ils n’aient volé.

« Bien, bien. Je ne dis pas non ; mais ce n’est pas mon affaire de savoir où ils vont acheter l’animal lorsque j’en achète la peau. Comme je te le disais, il y a certaines considérations pour lesquelles je tiens à obliger le père de ce jeune homme en le gardant ici. D’ailleurs il n’est qu’à moitié montagnard, et n’a guère de l’esprit intraitable d’un Glume-Amie ; après tout, je l’ai rarement vu aussi furieux qu’il l’a été tout à l’heure. — Vous ne le pourriez, à moins qu’il n’eût tué son homme, » répliqua le forgeron avec la même sécheresse.

« Pourtant si vous l’exigez, Henri, je mettrai tout autre motif