Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/437

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un dernier combat, quand le jeune Tormot tomba et rendit l’âme. Cette mort arracha au père le premier et le seul soupir qu’il eût fait entendre pendant cette affreuse journée.

« Mon fils Tormot ! dit-il, mon plus jeune et mon plus cher fils !… Mais si je sauve Hector, je sauve tout… Mon nourrisson bien-aimé, j’ai fait pour toi tous les sacrifices dont un homme soit capable, à l’exception du dernier. Permets que je brise les agrafes de cette armure funeste, et endosse celle de Tormot ; elle est légère et t’ira bien. Tandis que tu t’en couvriras, je m’élancerai sur nos adversaires, déjà fort maltraités, et les accommoderai le mieux qu’il me sera possible. J’espère avoir peu à faire ; car ils se suivent tous comme des bouvillons harassés. Quoi qu’il arrive, idole de mon âme, si je ne puis te sauver, je puis te montrer comme un homme doit mourir. »

Tandis que Torquil parlait ainsi, il détachait les agrafes du haubert que portait le jeune chef, avec la conviction naïve qu’il romprait le charme sous lequel la crainte et la sorcellerie avaient enchaîné le cœur de Mac-Jan.

« Mon père, mon père ! toi qui es plus que mon père !… dit le malheureux Éachin, reste avec moi… Si je te sens à mon côté, je suis sûr de combattre jusqu’au coup fatal. — C’est impossible, répliqua Torquil : je veux les arrêter, car les voilà, pendant que tu mettras ton haubert. Dieu te bénisse éternellement, amour de mon âme ! »

Et alors, brandissant son épée, Torquil du Chêne s’élança en poussant le terrible cri de guerre qui avait si souvent retenti sur le champ de bataille ensanglanté : Bas air son Éachin ! » Trois fois il répéta ces mots d’une voix de tonnerre, et à chaque fois il abattit un homme du clan Chattan, à mesure qu’il les rencontrait marchant vers lui. « Bien frappé, brave milan ! noblement combattu, vieux faucon ! » s’écria la multitude en voyant ces efforts, qui semblaient menacer, même en cet instant, de changer la fortune du jour. Soudain à ces cris succéda un profond silence, interrompu seulement par le cliquetis de deux épées ; mais par un cliquetis si terrible, que toute la bataille paraissait avoir recommencé dans la personne de Henri Wynd et de Torquil du Chêne. Ils frappaient, taillaient, coupaient, paraient, comme si c’était la première fois qu’ils dégainaient de la journée. Leur fureur était mutuelle ; car Torquil reconnaissait le malin sorcier qui, comme il supposait, avait jeté un sort sur son enfant, et Henri se voyait