Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/429

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neur qu’Henri ne put refuser, quoiqu’il l’acceptât avec beaucoup de répugnance.

Lorsque les clans furent ainsi rangés en face l’un de l’autre, ils laissèrent éclater leur haine mortelle et leur ardeur à en venir aux mains par un hurlement sauvage, qui, poussé par le clan de Quhele, fut répété par le clan Chattan.

Tous les guerriers cependant agitaient leurs épées, et se menaçaient tour à tour, comme voulant captiver l’attention de leurs adversaires avant d’engager réellement le combat.

En cet instant critique, Torquil, qui n’avait jamais craint pour lui-même, était agité de frayeur pour son nourrisson ; il se rassura néanmoins en voyant qu’Éachin conservait son air résolu, et que le peu de mots que le chieftain adressait à sa troupe étaient hardiment débités et bien propres à enflammer le courage des combattants, puisqu’ils énonçaient sa résolution de partager leur mort ou leur victoire. Mais il n’eut pas le temps d’en observer davantage : les trompettes du roi sonnèrent une charge ; les cornemuses jouèrent leurs airs criards et étourdissants, et les champions, s’avançant en bon ordre, et doublant par degré leur marche jusqu’à prendre une espèce de trot, se rencontrèrent au milieu du terrain, comme un torrent furieux heurte la marée montante.

Pendant une ou deux minutes, les lignes de devant, s’attaquant l’une l’autre avec leurs claymores, semblèrent livrer plusieurs combats singuliers ; mais la seconde et la troisième lignes changèrent bientôt de place, enflammées par la violence de leur haine et la soif de l’honneur ; elles se pressèrent dans les espaces vides, et firent de l’engagement un tumultueux chaos, par-dessus lequel s’élevaient et retombaient les glaives, les uns encore luisants, les autres dégouttants de sang, et qui paraissaient tous ensemble, vu la rapidité féroce qui les agitait, être plutôt mis en mouvement par quelque machine compliquée que maniés par des mains humaines. Plusieurs des combattants, trop à l’étroit pour user de leurs longues épées, avaient déjà saisi leurs poignards, et tâchaient d’arrêter le moulinet des épées de leurs adversaires. Cependant le sang coulait par torrent, et les gémissements de ceux qui tombaient se mêlaient déjà aux cris de ceux qui combattaient encore. Car, suivant la coutume des montagnards de tous les temps, il fallait dire non pas qu’ils criaient, mais qu’ils hurlaient. Ceux des spectateurs dont les yeux étaient le plus