Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/415

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son propre nom de Norman au Marteau. Mais travaillez-vous vraiment à l’enclume, Gow Chrom, avec cette masse de fer qu’un cheval aurait peine à porter ? — Vous allez voir, frère, » dit Henri en se dirigeant vers la forge, « Dunter, ajouta-t-il, tire-moi cette barre du feu. » Et levant Samson, comme il appelait le monstrueux marteau, il tortilla le métal par cent coups de droite et de gauche… tantôt de la main droite, tantôt de la main gauche, tantôt des deux, avec tant de force et d’adresse à la fois, qu’il fabriqua un fer à cheval petit, mais bien proportionné, dans moitié moins de temps qu’il n’en aurait fallu à un forgeron ordinaire avec un marteau plus maniable.

« Oigh ! Oigh ! dit le montagnard ; mais pourquoi voudriez-vous donc vous battre contre notre jeune chef, qui est d’un sang si supérieur au vôtre, quoique vous soyez le meilleur forgeron qui ait jamais travaillé à l’aide du vent et du feu ? — Écoutez, dit Henri ; vous m’avez l’air bon enfant, et je vous avouerai la vérité : votre maître m’a insulté, et je lui donne volontiers cette armure, afin de pouvoir me mesurer avec lui. — Ah ! s’il vous a insulté, il vous doit une réparation à coups d’épée, dit le garde du corps. Insulter un homme ôte la plume d’aigle au bonnet du chef, et fût-il le plus puissant des montagnes, comme l’est réellement Éachin, il doit se battre avec l’homme qu’il a insulté, sinon une rose tomberait de sa couronne. — L’exciterez-vous à me donner cette satisfaction après le combat de dimanche ? — Oh ! on fera son possible, si auparavant les faucons n’ont pas eu nos os à déchiqueter ; car il faut que vous sachiez, bon confrère, que les griffes du clan de Chattan percent profondément. — L’armure appartient à votre chef à cette condition ; mais je le flétrirai devant le roi et toute sa cour, s’il ne m’en donne pas le prix. — N’ayez pas peur ! n’ayez pas peur ! je l’amènerai moi-même dans la lice, cela est sûr. — Vous me ferez grand plaisir ; et pour que vous n’oubliiez pas votre promesse, je vous fais cadeau de ce poignard. Regardez-le : si vous le tenez bien, et si vous en frappez votre ennemi entre son gorgeret et son couvre-chef, le médecin sera inutile. »

Le montagnard se répandit en remercîments, et prit congé.

« Je lui ai donné la meilleure cotte de mailles que j’aie jamais forgée, » se dit l’armurier, presque repentant de sa générosité, « dans la faible espérance qu’il engagera son chef à descendre en champ clos avec moi ; et alors, soit Catherine à celui qui sera le vainqueur ! Mais je crains fort que le jeune drôle ne trouve quel-