Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/414

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fera plus d’honneur qu’on n’en fit jamais à toute votre parenté ; on se battra soi-même contre vous pour la belle armure. — On doit montrer d’abord qu’on est un antagoniste digne de moi, » dit Henri en grimaçant un sourire. « Comment, moi ! un des leichtach d’Éachin, je suis indigne de vous ! — Vous pouvez essayer, si bon vous semble ; vous dites que vous êtes un fir nan ord… Savez-vous lancer un marteau de forge ? — Oui, vraiment…. Demandez à l’aigle s’il peut voler au-dessus du Ferragon. — Mais avant de lutter contre moi, il faut d’abord vous essayer contre un de mes leichtach…. Holà, Dunter ! en avant pour l’honneur de Perth !… Maintenant, montagnard, voilà une rangée de marteaux… Choisissez celui qui vous convient, et passons au jardin. »

Le montagnard qui se nommait Norman nan Ord, ou Norman du marteau, montra combien il méritait de porter ce nom, en choisissant le plus gros marteau de la file, ce qui fit sourire Henri. Dunter, le vigoureux ouvrier, exécuta ce qu’on appelait un tour de force ; mais le montagnard, faisant un effort désespéré, le lança deux ou trois pieds plus loin, et regarda d’un air de triomphe Henri, qui répondit encore par un sourire.

« Ferez-vous mieux ? » dit le Gaël en présentant le marteau à notre armurier. — Pas avec ce joujou d’enfant, qui est à peine assez lourd pour n’être pas emporté par le vent… Janniken, apportez-moi Samson, ou qu’un de vous deux l’aille aider, car Samson est un peu lourd. »

Le marteau qui fut alors apporté était plus pesant de moitié que celui qu’avait choisi le montagnard, comme un d’une pesanteur extraordinaire. Norman demeura stupéfait ; mais il fut encore plus étonné lorsque Henri, prenant position, leva l’énorme masse bien au-dessus de la hanche droite, et la lâcha de sa main comme si elle fût partie d’une machine de guerre. L’air rugit et siffla tandis qu’elle le parcourait. À la fin, elle retomba, et la tête de fer s’enfonça d’un pied en terre, une toise au-delà de l’endroit qu’avait atteint Norman.

Le montagnard, vaincu et mortifié, courut au lieu où gisait l’outil, le souleva, le pesa dans sa main avec un vif étonnement, et l’examina avec curiosité, comme s’il s’attendait à y voir plus qu’un marteau ordinaire. Il le rendit à la fin à son propriétaire avec un sourire mélancolique, haussant les épaules et branlant la tête, tandis que l’armurier lui demandait s’il ne ferait pas mieux.

« Norman a déjà trop perdu au jeu, répliqua-t-il ; il a perdu