Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/401

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jointures sont tout… Donnez-leur la force animale, et ce sont des taureaux furieux. Qu’ils la perdent, et les voilà, ces héros de chevalerie, étendus à terre, hurlant comme la brute à qui on a coupé les jarrets. Le sage n’est point ainsi. Tant qu’un grain de sensibilité demeure dans son corps froissé et mutilé, son esprit restera le maître. Catherine, ce matin, je complotais votre mort ; mais je souhaite maintenant que vous me surviviez, pour dire comment le pauvre médecin, le doreur de pilules, le pileur de drogues, le vendeur de poison, a subi son destin dans la compagnie du vaillant chevalier de Ramorny, baron en jouissance, et comte de Lindores en expectative… Dieu sauve Sa Seigneurie ! — Vieillard, répondit Catherine, si vous êtes en effet aussi près de l’heure de votre jugement, d’autres pensées vous conviendraient mieux que les fanfaronnades d’une vaine philosophie… Demandez à voir un saint homme… — Oui, » dit Dwining avec dédain ; « que je m’adresse à un moine crasseux, qui… hé, hé !… n’entend pas le latin barbare qu’il répète par routine ! Ce serait là un plaisant conseiller pour un homme qui a étudié en Espagne et en Arabie ! Non, Catherine, je choisirai un confesseur qu’il soit agréable de voir, et vous serez honorée de cet office… Maintenant regardez un peu Sa Vaillance… Ses sourcils sont mouillés de sueur… ses lèvres tremblent de désespoir ; car Sa Vaillance, hé, hé ! plaide devant ses domestiques pour la vie, et n’a pas assez d’éloquence pour les persuader. Voyez comme les fibres de son visage s’agitent tandis qu’il supplie ces brutes, qu’il a accablées de ses bienfaits, de lui laisser la même chance qui reste au lièvre poursuivi par les limiers quand les chasseurs le pressent. Regardez aussi les physionomies mornes, abattues, défaites, de ces domestiques perfides, flottant entre la crainte et la honte, et qui refusent à leur maître cette pauvre chance de salut. Ces créatures stupides se croient au-dessus d’un homme tel que moi ! Et vous, fille insensée, vous pensez si mal de votre Divinité, que vous supposez que des misérables de cette espèce sont l’ouvrage de sa toute-puissance ! — Non, homme pervers, non, » dit Catherine avec chaleur. « Le Dieu que j’adore a créé ces hommes avec la faculté de le connaître et de l’adorer, de défendre et de protéger leurs semblables, de pratiquer la vertu et la piété. Leurs propres vices et les tentations du malin esprit les ont rendus tels qu’ils sont maintenant. Oh ! que cette leçon émeuve ton cœur de diamant ! Le ciel t’a fait plus sage que tes compagnons, il t’a donné