Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/397

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l’occasion était favorable pour s’approcher du soupirail du cachot sans être observée. En attendant cette heure, elle avait remarqué quelques mouvements dans le château, qui avait été silencieux comme la tombe depuis que le duc de Rothsay y était renfermé. Les ponts-levis furent levés et baissés. À ce bruit se mêlait celui des chevaux ; les hommes d’armes entraient dans le château et en sortaient au grand galop sur des chevaux couverts d’écume. Elle remarqua aussi que tous les domestiques qu’elle apercevait par la fenêtre étaient armés ; tous ces indices firent violemment palpiter son cœur ; car elle en augurait qu’il arriverait bientôt du secours, et que les habitants du château étant ainsi affairés, le petit jardin était plus solitaire que jamais. Enfin l’heure de midi arriva : elle avait pris soin de se procurer, sous prétexte de ses propres goûts que l’intendant semblait disposé à satisfaire, de se procurer, dis-je, le genre de nourriture qu’il serait plus facile de transmettre au malheureux captif. Elle l’appela à voix basse pour l’avertir de son arrivée… point de réponse ; elle parla plus haut… toujours le même silence.

« Il dort, » murmura-t-elle à demi-voix et en tremblant : mais elle tressaillit et poussa un cri quand une voix répondit derrière elle… « Oui, il dort… mais c’est pour toujours. »

Elle se retourna… Sir John Ramorny était debout derrière elle, armé de toutes pièces ; mais la visière de son casque était levée, et laissait voir un visage plus semblable au visage d’un homme qui va mourir qu’à celui d’un guerrier qui va combattre. Il avait parlé d’un ton grave qui tenait le milieu entre celui de l’observateur tranquille d’un événement important, et celui de l’auteur ou du complice d’un crime. — Catherine, reprit-il, ce que je vous ai dit est vrai ; il est mort… Vous avez fait pour lui ce qui dépendait de vous… vous ne pouvez rien de plus. — Je ne le crois pas… je ne peux pas le croire, répondit Catherine. Que le ciel ait pitié de moi ! Ce serait douter de la Providence que de penser qu’elle a laissé accomplir un si grand crime ! — Ne doutez pas de la Providence, Catherine, quoiqu’elle ait permis qu’un débauché pérît victime de ses vices. Suivez-moi… j’ai à vous dire des choses qui vous intéressent. Je vous répète de me suivre (car elle restait immobile, à moins que vous n’aimiez mieux être abandonnée à la merci du sauvage Bonthron et du médecin Henbane Dwining. — Je vous suivrai, dit Catherine ; vous ne me pouvez faire plus de mal que le ciel n’en permettra. »