Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/389

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comme Ramorny l’avait dit dans une autre occasion… il devait seulement cesser de vivre.

La chambre à coucher de Rothsay, dans le château de Falkland, convenait parfaitement à l’exécution de cet horrible projet. Un petit escalier étroit, dont on connaissait à peine l’existence, communiquait, par une trappe, de cette chambre dans les cachots souterrains du château, où l’on pénétrait à l’aide d’un passage dont se servait le seigneur féodal pour visiter les habitants de ces misérables régions. Ce fut par cet escalier que les scélérats descendirent le prince plongé dans un profond sommeil, dans le souterrain le plus profond du château, et creusé si avant dans les entrailles de la terre, que ni cris ni gémissements ne pouvaient se faire entendre au-dehors ; d’ailleurs la solidité de la porte et les serrures auraient fait une longue résistance quand on aurait pu parvenir à en découvrir l’entrée. Bonthron, qui avait été sauvé de la potence dans ce dessein, était l’instrument volontaire de l’horrible trahison de Ramorny contre le prince qu’il avait égaré par ses conseils.

Ce misérable retourna au cachot au moment où la léthargie du prince commençait à se dissiper, et où, revenant à lui-même, il se sentait pénétré d’un froid mortel, incapable de faire un mouvement, et chargé de chaînes qui lui permettaient à peine de se remuer sur le lit de paille où il était étendu. Sa première idée fut qu’il faisait un rêve terrible… la seconde fut un sentiment confus de la vérité. Il appela, cria… poussa des hurlements frénétiques ; mais aucun secours n’arriva, et la voûte du cachot répondit seule à ses cris. L’infernal Bonthron entendit ces vociférations du désespoir, et il les accepta comme un dédommagement des sarcasmes et des invectives par lesquelles Rothsay avait exprimé son aversion naturelle contre lui. Quand le malheureux jeune homme, épuisé et sans espérance, garda enfin le silence, le scélérat résolut de se présenter aux yeux de son prisonnier ; les verrous furent tirés, la porte s’ouvrit. Le prince se leva autant que ses fers le lui permettaient… Une lumière rougeâtre, qui le força de fermer les yeux, pénétra sous la voûte ; et, quand il les rouvrit, il aperçut l’horrible figure d’un homme qu’il avait tout lieu de croire mort. Il tomba à la renverse saisi d’horreur. « Je suis jugé et condamné, s’écria-t-il, et le plus affreux démon a été envoyé pour me tourmenter. — Je suis vivant, milord, dit Bonthron ; et pour que vous puissiez vivre et que vous jouissiez de la vie, veuillez bien vous