Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/387

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dire, » répondit Catherine confuse de sa propre vivacité ; « aucune peut-être, si ce n’est mes craintes pour votre sûreté. — L’héritier de Bruce ne doit pas prêter l’oreille à des craintes vagues… holà ! quelqu’un ici. »

Ramorny entra et salua respectueusement le duc et la jeune fille, que peut-être il considérait au moment d’être élevée au grade de sultane favorite, et par conséquent comme ayant droit à une obéissance respectueuse.

« Ramorny, dit le prince, y a-t-il ici une femme honnête qui puisse servir de compagne à cette jeune fille jusqu’à ce que nous la renvoyions où elle peut désirer d’aller ? — Je crains, répliqua Ramorny, si Votre Altesse me permet de dire la vérité, que les honnêtes femmes ne soient pas communes dans cette demeure, et, pour parler avec franchise, je crois que la chanteuse est la plus décente de nous tous. — Qu’elle fasse donc compagnie à cette jeune personne, faute de mieux… Prenez patience, jeune fille, pour quelques heures. »

Catherine se retira.

« Comment, milord, vous séparez-vous si vite de la Jolie Fille de Perth ? c’est en vérité abuser de la victoire. — Il n’y a ici ni victoire ni défaite, » répondit le prince sèchement ; « la jeune fille ne m’aime pas, et je n’ai pas assez d’amour pour elle pour prendre la peine de vaincre ses scrupules. — Le chaste Malcom, la Vierge, revit dans un de ses descendants ! dit Ramorny. — De grâce, monsieur, faites trêve d’esprit ou choisissez un autre sujet pour vos plaisanteries. Il est midi, je crois, et vous m’obligerez en ordonnant qu’on serve le dîner. »

Ramorny sortit ; mais Rothsay crut remarquer un sourire sur ses traits. Être en butte aux satires de cet homme, c’était pour le prince une humiliation cruelle, néanmoins il invita le chevalier à dîner avec lui, et accorda le même honneur à Dwining. La conversation fut gaie et même licencieuse ; le prince lui-même encourageait ce ton, comme s’il eût voulu contrebalancer la sévérité de sa conduite du matin, que Ramorny, qui avait lu les anciennes chroniques, eut l’audace de comparer à la continence de Scipion.

Le banquet, malgré la faible santé du duc, se prolongea fort tard et bien au-delà des bornes de la tempérance. Soit uniquement l’effet de la force du vin qu’ils avaient bu, ou soit effet de la faiblesse de sa constitution, soit, ainsi qu’il est probable, que