Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/378

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Louise, sur l’ordre de Ramorny, continua de faire entendre ses chants de temps à autre. Quand vint le soir, il tomba de la pluie ; ce fut d’abord comme une douce rosée, puis bientôt ce fut une averse furieuse, accompagnée d’un vent très-froid. Il n’y avait ni manteau ni rien qui pût servir à garantir le prince, et il refusa brusquement le manteau de Ramorny que celui-ci lui offrit.

« Ce n’est point à Rothsay à porter vos vieux habits, John. Cette neige fondue me pénètre jusqu’à la moelle des os, et, je la reçois par votre faute. Pourquoi vous êtes-vous obstiné à faire partir le bateau sans ma suite et mon bagage ? »

Ramorny ne tenta point de se disculper ; il savait que quand le prince était dans un de ses accès d’humeur, il aimait mieux l’exhaler à son aise sur un grief quelconque, que de se voir fermer la bouche par une excuse raisonnable. Le prince, tantôt gardant un sombre silence, tantôt exhalant d’amères reproches contre Ramorny, se trouva enfin dans un village de pêcheurs appelé Newburgh. Les voyageurs débarquèrent et trouvèrent des chevaux, que Ramorny avait fait tenir prêts depuis plusieurs jours. Ces pauvres animaux fournirent au prince un déluge de sarcasmes qu’il adressait à son ami, en y joignant très-souvent des railleries plus personnelles. Enfin ils partirent, au milieu des ténèbres et d’une pluie abondante ; le prince guidait la marche avec une rapidité téméraire. La chanteuse, à qui on avait donné un cheval par l’ordre exprès de Rothsay, suivait la petite caravane ; et heureusement elle était accoutumée à souffrir l’intempérie des saisons et à faire de longues routes à pied et à cheval ; elle supporta donc avec autant de fermeté que les hommes les fatigues de ce voyage nocturne. Ramorny était forcé de rester aux côtés du prince, craignant vivement que, par quelque caprice, il ne quittât tout à coup cette route, et qu’en se réfugiant dans la maison de quelque baron loyal, il ne parvînt à échapper au piège qu’on lui avait tendu. Aussi, pendant tout le voyage, sir John souffrit d’inexprimables douleurs de corps et d’esprit.

Enfin ils entrèrent dans la forêt de Falkland, et un rayon de la lune fit voir la sombre et vaste tour qui appartenait à la couronne, quoiqu’elle eût été cédée temporairement au duc d’Albany. À leur signal, le pont-levis s’abaissa ; des torches brillèrent dans la cour, des domestiques se présentèrent, et le prince, qu’on aida à descendre de cheval, entra dans un appartement où Ramorny le suivit avec Dwining, en le priant instamment de consulter le