Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/37

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dans les hautes et les basses terres comme le meilleur armurier qui jamais fabriqua une épée, et comme le plus loyal soldat qui la dégaina jamais ? — Mon très-cher père, répondit Catherine, vos paroles se contredisent, si vous voulez bien permettre à votre fille de parler ainsi. Remercions Dieu et les bons saints de nous trouver dans une condition paisible ; trop humble pour attirer l’attention de ceux qu’une haute naissance et un orgueil plus haut encore portent à se glorifier des actes barbares de cruauté que les nobles et seigneurs appellent prouesses de chevalerie. Votre sagesse conviendra qu’il serait absurde à nous de nous affubler de leurs beaux panaches et de leurs vêtements splendides. Pourquoi donc imiterions-nous leurs vices hideux ? Pourquoi prendrions-nous leur vanité, leur dureté de cœur, et cette cruauté inflexible pour qui le meurtre n’est pas seulement un passe-temps, mais un sujet de futile triomphe ? Évitons ceux dont le rang réclame comme un privilège ces sanglants hommages, ceux qui s’en glorifient et s’y complaisent. Nous qui ne sommes pas au rang des sacrificateurs, nous pouvons d’autant mieux compatir aux souffrances des victimes. Rendons grâces à Dieu de notre abaissement, puisqu’il nous garde de la tentation. Mais pardonnez-moi, mon père, si j’ai outrepassé les bornes du devoir en contrariant les opinions que vous partagez avec tant d’autres. — Oh ! oui, ma fille, tu parles toujours trop bien pour moi, » dit son père, un peu mécontent… « Je ne suis qu’un pauvre artisan dont toute la science consiste à savoir distinguer le gant droit du gant gauche. Mais si tu veux que je te pardonne, adresse quelques mots de consolation à mon pauvre Henri. Le voilà assis, confondu et déconcerté du sermon que tu viens de faire ; et lui, pour qui le son d’une trompette est comme une invitation de fête, est abattu par le sifflet d’un enfant. »

L’armurier, il est vrai, en écoutant des lèvres qui lui étaient si chères faire de lui un portrait si défavorable, avait baissé la tête sur ses bras croisés, qu’il appuyait sur la table dans l’attitude d’un profond découragement, qui ressemblait presque à un désespoir.

« Plût au ciel, mon cher père, répondit Catherine, qu’il fût en mon pouvoir d’adresser des consolations à Henri, sans trahir la sainte cause des vérités dont je viens d’être l’interprète ! Mais je peux… je dois même m’acquitter d’une telle mission, » continua-t-elle avec une expression animée que l’extrême beauté de sa figure fit un moment ressembler à de l’inspiration. « La vérité du