Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/369

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« Je suis affligé de voir Votre Altesse aux arrêts, » dit Ramorny, jouant parfaitement la compassion.

« Ton affliction me causera de la peine, dit le prince. Errol, qui est un homme loyal, m’a tellement fatigué par son air grave et quelques sermons, qu’il m’a forcé de revenir à toi, réprouvé que tu es. Si je n’ai rien de bon à attendre de toi, tu pourras au moins me procurer quelque amusement. Mais avant d’aller plus loin, ce qui s’est passé le mercredi des Cendres était une vilaine affaire, Ramorny ; j’espère bien que tu n’y étais pour rien. — Sur mon honneur, milord, c’est une méprise de cette brute de Bonthron ; je lui avais fait entendre qu’une bastonnade était bien due au drôle qui m’avait coupé la main ; et le coquin a fait une double bévue ; il a pris un homme pour un autre, et s’est servi de la hache au lieu du bâton. — Il est heureux que cela n’ait pas été plus loin. Quant au bonnetier, c’était peu de chose ; mais je ne t’aurais jamais pardonné si c’eût été l’armurier ; il n’a pas son égal dans la Grande-Bretagne. Mais j’espère que l’assassin a été pendu assez haut ? — Si trente pieds suffisent, répondit Ramorny. — Ne parlons plus de lui, dit Rothsay ; le nom de ce misérable donne au vin un goût de sang… Et quelles nouvelles de Perth, Ramorny ? que deviennent nos joyeuses filles et nos gaillards ? — La gaillardise ne fait pas grand bruit, milord, répondit le chevalier. Tous les yeux sont fixés sur Douglas le Noir, qui vient avec cinq mille hommes d’élite pour nous remettre tous dans le droit chemin, comme s’il marchait à un autre Otterburn[1]. On dit qu’il sera de nouveau lieutenant du royaume. Il est certain que beaucoup de gens se sont déclarés pour lui. — Il est temps alors que mes pieds soient libres ; autrement je pourrais avoir un geôlier pire qu’Errol. — Ah ! milord, si vous êtes une fois hors d’ici, vous pourrez lever la tête aussi hardiment que Douglas. — Ramorny, » dit le prince d’un ton grave, « je n’ai qu’un souvenir confus d’une horrible proposition que vous me fîtes récemment. Prends garde de me donner un conseil de ce genre. Je voudrais être libre. Je voudrais disposer à mon gré de ma personne ; mais je ne prendrai jamais les armes contre mon père, ni contre ceux à qui il lui plaît d’accorder sa confiance. — C’était seulement de la liberté personnelle de Votre Altesse que j’osais parler, répondit Ramorny ; si j’étais à la place de Votre Grâce, je me jetterais dans cette bonne barque qui est là sur le Tay, j’irais tranquille-

  1. Nom d’une victoire remportée par Douglas. a. m.