Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/355

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qu’une flèche anglaise m’entrait dans le corps. Le matin, accablé de fatigue, je commençais à goûter quelque repos quand je fus éveillé par le son de la cloche qui nous appelait aux remparts. Je n’ai jamais, avant ou depuis, entendu son de cloche qui ressemblât plus à un glas de mort. — Continuez, je vous prie : que vous arriva-t-il ensuite ? — J’endossai mon armure, une armure telle quelle ; je reçus la bénédiction de ma mère, femme d’un grand courage, qui me parla des efforts de mon père pour la défense de la belle ville. Ses paroles me ranimèrent ; et je me sentis encore plus hardi quand je me trouvai en rang au milieu des autres artisans, tous armés d’arcs, car vous savez que les citoyens de Perth sont des archers fort habiles. Nous fûmes distribués sur les remparts ; quelques chevaliers et des écuyers couverts d’armures à l’épreuve étaient mêlés avec nous, faisant bonne contenance, sans doute parce qu’ils comptaient sur la force de leurs armes, et nous avertirent qu’ils tailleraient en pièces, avec leurs épées et leurs haches, quiconque tenterait de quitter son poste. J’en fus moi-même averti avec bienveillance par le vieux Kempe de Kinfauns, le père du bon sir Patrick, notre prévôt. Il était petit-fils du Corsaire rouge, Thomas de Longueville, et était homme à tenir la parole qu’il m’avait donnée à moi en particulier, sans doute parce qu’une nuit aussi agitée m’avait rendu plus pâle que de coutume, et d’ailleurs j’étais fort jeune. — Et cette exhortation vous rendit-elle plus craintif ou plus résolu ? » demanda Éachin qui semblait fort attentif.

« Elle me rendit plus résolu ; et je crois que rien n’est plus capable d’enhardir un homme à affronter le danger qu’il a devant lui, que la certitude qu’il en a un autre derrière lui pour le pousser en avant. Eh bien ! je montai sur les remparts avec assez de cœur, et je fus placé avec d’autres sur la tour de Spey, étant regardé comme un habile archer. Mais un accès de frisson me saisit quand je vis les Anglais en bon ordre, leurs archers en tête, leurs hommes d’armes ensuite, marcher à l’assaut en trois fortes colonnes. Ils avançaient d’un pas ferme ; et quelques-uns de nous auraient voulu tirer sur eux, mais cela était sévèrement défendu, et nous fûmes obligés de rester immobiles, nous abritant derrière les parapets le mieux que nous pouvions. Quand les Anglais se furent formés en ligne, chaque homme occupant sa place comme par magie, et se préparant à se couvrir de larges boucliers appelés pavois, qu’ils plantèrent devant eux, j’éprouvai de nouveau