Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il le considérait avec étonnement, le jeune homme tourna vers lui la lumière d’un morceau de bog-wood[1], qu’il portait tout enflammé dans une lanterne, et répondit à l’exclamation qu’avait faite le gantier en s’éveillant :

« Oui, père Simon, c’est Conachar qui vient renouveler notre ancienne connaissance à une heure où cette démarche ne peut attirer l’attention. »

En parlant ainsi, il s’assit sur un tréteau qui faisait l’office de chaise ; et plaçant la lanterne à côté de lui, il continua du ton le plus amical :

« J’ai goûté souvent de votre bonne chère, père Simon ; j’espère que vous n’en avez pas manqué dans ma famille. — Non sans doute, Éachin Mac-Jan, » répondit le gantier ; car la simplicité du langage celtique repousse tous titres honorifiques ; « elle était même trop bonne pour ce temps d’abstinence, et beaucoup trop bonne pour moi, qui ai à rougir en songeant à la chère bien plus modeste que je vous faisais faire dans Curfew-Street. — Pour me servir de votre expression, dit Conaphar, elle était beaucoup trop bonne pour ce que méritait un apprenti fainéant, et pour les besoins d’un jeune montagnard. Mais si, comme je l’espère, il y avait assez de nourriture, n’avez-vous pas trouvé, bon Glover, qu’il manquait quelque chose à l’accueil que vous avez reçu ? Point de détour ; je sais que vous n’en avez pas été fort content ; mais mon autorité est encore bien jeune, et je ne dois pas attirer trop promptement leur attention sur le temps que j’ai passé dans les basses terres, temps que cependant je ne puis oublier. — J’en comprends parfaitement le motif, dit Simon ; aussi est-ce contre mon gré et par nécessité que je suis venu faire une si prompte visite. — Silence, silence, père Simon ! C’est fort bien que vous soyez venu voir quelque chose de ma splendeur montagnarde pendant qu’elle brille encore. Revenez après le dimanche des Rameaux, qui sait ce que vous pourrez voir sur le territoire que nous possédons aujourd’hui ; le chat sauvage aura peut-être sa tanière où s’élève maintenant la salle du banquet de Mac-Jan. »

Le jeune chef se tut et appuya le haut de sa baguette sur ses lèvres, comme pour s’empêcher d’en dire davantage.

« Il n’y a rien à craindre de ce côté, Éachin, » dit Simon de cette manière vague par laquelle les consolateurs tièdes s’effor-

  1. Sorte de bois résineux qu’on trouve enfoui dans les marécages.