Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/339

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et de cette énergie avec laquelle vous dirigez vos affaires temporelles. — Silence ! silence ! père Clément, s’écria Simon ; quand vous retombez sur ces raisonnements, vos paroles sentent la poix enflammée, et je n’aime pas cette odeur. Quant à Catherine, il faut que je me conduise de mon mieux pour ne pas offenser le jeune chef ; mais il est heureux pour moi qu’elle soit hors de son atteinte. — Il faut donc qu’elle soit bien loin. Et maintenant, frère Simon, puisque vous pensez qu’il y a du danger dans ma compagnie et dans mes opinions, j’irai seul avec ma doctrine et les dangers qu’elle m’attire. Mais si votre œil, moins aveuglé qu’il ne l’est maintenant par la crainte et les espérances de ce monde, jette jamais un regard en arrière sur celui qui peut bientôt être séparé de vous pour toujours, souvenez-vous que, sans un sentiment profond de la vérité et de l’importance de la doctrine qu’il enseignait, Clément Blair n’eût point su braver, provoquer même, la haine du puissant et du méchant ; exciter les craintes des envieux et des timides ; marcher dans ce monde comme s’il n’y appartenait point, et se faire regarder comme fou par les hommes, afin de gagner leurs âmes à Dieu, si cela était possible. Le ciel m’est témoin que je ferais tout ce qui est permis pour me concilier l’amour et l’affection de mes semblables. C’est une chose cruelle que d’être évité par des gens estimables comme un pestiféré ; d’être persécuté par les pharisiens du jour comme un hérétique impie ; d’être regardé avec horreur et avec mépris par la multitude qui me considère comme un fou qui peut devenir dangereux. Mais tous ces maux seraient-ils cent fois plus nombreux, le feu qui m’enflamme ne doit point être étouffé ; la voix intérieure qui me crie : « Parle ! » doit être écoutée. Malheur à moi si je ne prêche pas l’Évangile, même quand je devrais à la fin le prêcher au milieu des flammes d’un bûcher ! »

Ainsi s’exprimait ce hardi confesseur, un de ces hommes que le ciel suscitait de temps en temps pour conserver le christianisme dans toute sa pureté au milieu des siècles les plus ignorants, et pour le transmettre intact aux âges à venir. Il en fut ainsi depuis le temps des apôtres jusqu’au jour où, favorisée par l’invention de l’imprimerie, la réforme éclata dans toute sa splendeur. Le gantier sentit alors tout l’égoïsme de sa conduite, et il se méprisa lui-même quand il vit le moine s’éloigner de lui avec une sainte résignation. Il eut même un moment quelque tentation d’imiter la philanthropie et le zèle désintéressé du pieux